A prenylated dsRNA sensor protects against severe COVID-19
Wickengagen A et al. Science 374 ,579(2021) p1-18
Article commenté par Gérard Milano
Bases de l’etude: Il est clair que l’on est pas encore sorti de la pandémie/ épidémie COVID-19 et que notre attention doit rester en éveil quant aux avancées en connaissance tant au plan mécanistique du développement de la maladie que de la variabilité de sa sévérité. C’est un peu dans cet esprit que les auteurs ont accompli un travail expérimental considérable pour aboutir à leurs conclusions.
Le point de départ est somme toute classique à savoir le rôle connu de l’interféron dans la réaction à l’agression virale en particulier le SARS-CoV-2 .Les auteurs UK (étude multi centrique) ont dans cet esprit screené sur modèle in vitro des centaines de protéines candidates sous contrôle régulateur interféron et ont mis en évidence la protéine OAS1 comme étant très active in vitro contre la propagation du virus. Cette protéine ( pour plus de détails aller sur www.uniprot.org/uniprot/P00973<http://www.uniprot.org/uniprot/P00973) est donc inductible par l’IFN et se trouve activée par une interaction spécifique avec de l’ARN double brin .Sous forme active OAS1 mobilise une ribonucléase L qui va dégrader l’ARN viral et donc constituer une riposte à l’invasion virale.
Méthodes et Resultats :
-Mise en évidence de OAS1 :en un premier temps, les auteurs établissent sur un modèle de screening in vitro adapté que l’OAS1 est, parmi d’autres proteines candidates, dotée d’une activité anti SARS-CoV-2 particulièrement efficace.
S’en suit une vérification in vivo d’une expression quantifiable d’OAS1 dans l’épithélium des voies respiratoires de volontaires sains et dans celui , pulmonaire , de patients décédés COVID-19.
-Modulation de l’activité de OAS1 : les auteurs ont ensuite étudié les mécanismes d’activation de OAS1 et mis en évidence que des structures d’ARN double brin fixées sur des parties spécifiques du génome viral SARS-CoV-2 étaient susceptibles d’interagir spécifiquement sur des sites d’OAS1 et de l’activer.
Les auteurs se sont ensuite penchés sur les conséquences d’un polymorphisme génétique connu d’OAS1. Il s’agit d’un SNP Rs 10774671 équivalent à 12-112919388-G-A . Les allèles G determinent en majorité l’isoforme p46 de OAS1 alors que les allèles A ( 61 % en moyenne de la population) résultent en l’expression majoritaire d’une forme p42. Intéressant, seule la forme p46 est capable de bénéficier d’une réaction de prénylation sur le corps proteique OAS1 qui lui permet une accroche à la membrane du réticulum endoplasmique là où se développent les virions SARs-CoV-2 .Par expérience de mutagénèse les auteurs ont introduit une mutation ponctuelle en p46 empêchant sa prénylation ( c397A) qui aboutit à totalement éliminer l’activité antivirale de p46.Ce résultat a été confirmé sur un modèle cellulaire où par manipulation CRISPR-Cas9 l’efficacité antivirale de la forme OAS1 p46 était confirmée.
-Importance clinique du polymorphisme OAS1 : les auteurs ont pu bénéficier de près de 500 échantillons de sang total provenant de patients UK hospitalisés COVID-19 . Quarante trois pour cent des patients n’exprimaient pas p46 et ces patients étaient significativement sur-représentés dans le groupe à COVID-19 sévère.
-Expression OAS1 chez l’animal : Les auteurs se sont penchés sur des informations de données publiques et ont pu mettre en évidence , chez les chauve-souris fer à cheval, l’absence de motif de prénylation d’OAS1 et donc leur incapacité relative à combattre l’infection à SARS-CoV-2 en faisant un réservoir à faible risque infectieux . A l’opposé une autre catégorie de chauve –souris dite renard volant noir qui elle est dotée de cette capacité à prenyler OAS1 , et donc capable de combattre l’infection virale et qui constitue ainsi un foyer infectieux potentiel en présence de SARS-CoV-2 .
Commentaires : Sur la base d’un article exemplaire au plan de la démarche translationnelle, les auteurs nous délivrent ici un message original qui est d’un intérêt certain dans le contexte d’une pandémie COVID-19 d’une extrême complexité pour son contrôle et son hypothétique éradication.
On découvre un mécanisme clé de la réaction antivirale à travers l’activité OAS1, mobilisée par une activation avec des structures dsRNA portées en des zones spécifiques du génome SARS-CoV-2 , et qui agit comme intermédiaire essentiel pour armer une ribonuclease L, capable de détruire le génome viral du SARS-CoV-2. Au-delà, on constate, sans surprise, l’inégalité génétique devant cette défense naturelle puisque qu’un polymorphisme génétique ponctuel fait alterner la forme inactive ( majoritaire) p42 en une forme active p46 bénéficiant seule d’une prénylation, réaction essentielle pour son accroche au réticulum endoplasmique de la cellule infectée et de là sa capacité à combattre corps à corps avec les virions à proximité sur cette organelle cellulaire.
On entrevoit des prolongements à la fois sur la possibilité de cerner des groupes à risque et de bénéficier en priorité des renforcements en vaccins en complément aux règles édictées par les autorités de santé .Egalement ces résultats appellent à la plus grande vigilance vis-à-vis de l’évolution du SARS-CoV-2 dans le sens du risque de perdre , par mutation, les structures hôtes des dsRNA, interagissant avec OAS1 p46.