Des marqueurs d’efficacité thérapeutique soulignent les bases rationnelles de l’association entre immunothérapie et antiangiogéniques
Zhu A X et al. Molecular correlates of clinical response and resistance to atezolizumab in combination with bevacizumab in advanced hepatocellular carcinoma
Nature Medicine 2022, 28:1599-1611
Bases de l’etude :
Une décennie vient de s’écouler et grave définitivement dans le marbre l’incontestable efficacité thérapeutique de l’immunothérapie des cancers basée sur le ciblage des inhibiteurs du check point (CPIs) . On a vu se déployer une série d’anti PD-1 puis des anti PD-L1 signant les progrès thérapeutiques incontestables des CPIs pour des cancers graves démunis de traitements efficaces en situation de maladie avancée tels que les cancers du poumon ou les mélanomes métastatiques. Rapidement les traitements par CPIs en monothérapie ont évolué vers des associations avec les thérapeutiques anticancéreuses conventionnelles tels que la chimiothérapie ,la radiothérapie et également l’application des agents anti -angiogéniques. Cependant le déploiement de ces associations thérapeutiques s’est mis en route en clinique en dépit de bases rationnelles et précliniques absentes ou au mieux approximatives. C’est le cas très souvent rencontré pour les associations entre chimiothérapie et CPIs. Ce n’est cependant pas la réalité , heureusement, pour toutes les associations et il en est une qui dispose d’un bien fondé préclinique auquel les résultats thérapeutiques font un remarquable écho. Il s’agit des associations entre antiangiogéniques et immunothérapie avec des succès récents et encourageants pour le cancer du rein et l’hépatocarcinome avancé.
Une équipe multidisciplinaire ,multi institutionnelle vient de faire paraître un article dans Nature Medecine qui apporte incontestablement un éclairage fort sur fond biologique multi paramétrique dans le cadre de l’association entre le CPI atezolizumab et de l’antiangiogénique bevacizumab appliquée à l’hépatocarcinome avancé ( standard thérapeutique actuel dans cette pathologie ) .
Methodes :
Il s’agit d’une étude biologico-clinique rétrospective portant sur un recueil d’échantillons biologiques tumoraux en rapport à deux études cliniques explorant l’association atezolizumab-bevacizumab dans le cadre de la prise en charge de l’hépatocarcinome avancé et ce recoupant deux essais thérapeutiques : un essai de phase 1b avec 2 bras successifs ( un bras atezo+bev n=90 ,cohorte 1 et un bras atezo+ bev n=44 vs Atezo n=47 ,cohorte 3) et un essai de phase 3 ( IMbrave 150 Atezo +Bev n=119 vs Sorafenib n=58, cohorte 2). Les explorations biologiques et moléculaires ont été extrêmement larges ( et certainement très coûteuses) et ont concerné des techniques de génétique ( expression génique multiple, analyse de mutations par NGS, mesure de charge mutationnelle) et des explorations immunohistochimiques .
Resultats :
Marqueurs prédictifs de réponse et de résistance : les auteurs ont exploré les cohortes 1 pour la découverte de biomarqueurs et les patients de la cohorte 2 pour leur confirmation et ce sur les prélèvements tumoraux de départ avant traitement. Ils ont mis en évidence une signature immunitaire intratumorale de base , concrétisée par l’expression de gènes caractéristiques tels que CD274( ARNm de PD-L1)et CXCL9,PRF1 et GZMB ( signature génique des lympho T eff ) , qui était reliée à une meilleure réponse au traitement de référence Atezo-Beva. L’application de cette signature dans le groupe de confirmation permettait d’établir sa valeur comme marqueur pronostique lié à la durée de la survie sous Atezo-Beva. Une moindre efficacité thérapeutique était reliée à une valeur plus élevée du rapport entre les Treg et les Teff. A noter que ni l’expression PD-L1 ni la charge mutationnelle tumorale n’avait de valeur prédictive forte dans cette étude.
Marqueurs explicatifs : L’identification de marqueurs capables de caractériser l’efficacité supérieure de l’association Atezo-Beva par rapport à Atezo seul a apporté des informations très utiles au plan des explications mécanistiques quant à l’apport du Beva dans l’association Atezo-Beva. Ainsi pour la cohorte 3 ,et sur la base de l’analyse de l’évolution de la valeur du facteur de risque, un bénéfice maximal était retiré de l’association par rapport au CPI seul pour des tumeurs dont le niveau d’expression du VEGFR2 était élevée, et dont l’expression en Tregs et en signature d’inflammation myeloide était la plus forte. Les auteurs ont porté une attention particulière à l’évolution dynamique de ces marqueurs entre le temps préthérapeutique et la fin de traitement ( 14 cas sous Atezo-Beva) .Il y avait une baisse constante et significative de l’expression VEGFR2 pour les patients traités par l’association , phénomène non observé avec l’Atezo seul.
Explorations sur modèle préclinique : Dans le but de renforcer les conclusions des analyses de marqueurs en situation thérapeutique , les auteurs ont complété l’étude par une partie experimentale (modèle d’hépato carcinome de souris relativement resistant aux CPIs) .Pour l’essentiel, la capacité d’augmenter la densité tumorale en cellules T CD8+ était notée pour un traitement anti VEGF combiné à une immunothérapie par CPI et ce en comparaison aux monothérapies confirmant la modulation positive de l’immunité conférée par le traitement anti VEGF dans l’association.
Commentaires :
Il est incontestable que parmi les associations combinant les CPIs aux traitements conventionnels du cancer, ce sont les tandems avec les anti-angiogéniques qui apportent les bénéfices thérapeutiques particulièrement marqués et ce notamment pour le cancer du rein et pour l’hépatocarcinome. Cette publication très dense a le mérite de nous éclairer avant tout sur les mécanismes d’action qui peuvent être à l’origine de cette synergie . On savait déjà que les anti-angiogéniques avaient la capacité par l’inhibition du VEGF ( directe par le Beva et indirecte par les TKIs ) d’agir directement sur les cellules endothéliales et modifier l’expression de leurs molécules de surface et inverser favorablement le flux intra tumoral Treg/Teff. C’est ce que les auteurs nous confirment ici très explicitement. La démonstration de l’impact positif des anti angiogéniques sur l’immunité tumorale est renforcée par d’autres éléments de preuve biologique (impact sur l’infiltrat en cellules myéloïdes). Cette publication va au-delà, elle nous suggère aussi des marqueurs prédictifs de l’efficacité de l’association Atezo-Beva qui restent à confirmer sur des études plus larges et surtout spécifiquement dédiées à cet objectif.