Article commenté par Gérard Milano
Cancers de l’oropharynx : la dissection moléculaire de HPV16 éclaire le pronostic
Genetic variation within the human papillomavirus type 16 genome is associated with oropharyngeal cancer prognosis
Lang Kuhs K A et al. Annals of Oncology, 33(6) 2022 : 638-647
Bases de l’étude :
Les auteurs partent du principe qu’incontestablement le statut HPV pèse sur le pronostic des cancers ORL et tout particulièrement pour la localisation oropharyngée. Pour cette dernière, la survie globale est de 82 % à 3 ans pour les HPV+ alors qu’elle n’est que de 57% pour les HPV-.Il est tout aussi clair pourtant que la dichotomie n’est pas parfaite et ainsi la rechute à 3 ans tourne quand même autour 25 % pour les ca de l’oropharynx (COP) HPV positif. Donc il y a une place potentielle pour des marqueurs pronostiques au sein de ce groupe relativement avantagé HPV positifs, ce qui permettait ainsi une meilleure stratification du risque .
En se basant sur le fait que la quasi-totalité des HPV associés aux COP sont de type HPV16 les auteurs ont décidé de d’interroger le génome HPV16 afin de voir si des sous-types génétiques particuliers étaient dotés ou pas d’une meilleure valeur pronostique au sein d’un groupe HPV+ ( caractérisé par la présence de la protéine p16 qui , pour rappel, est un marqueur indirect de l’activité néoplasique des onco-proteines virales des HPV à haut risque ).
Comment ont-ils procédé ?
Les auteurs nord-américains ont exploré une série de 460 COP exclusifs provenant essentiellement des centres médicaux de la Vanderbilt Université et de l’université de Pittsburgh (recrutement étalé sur 1980-2017). Ils ont travaillé sur du matériel tumoral en inclusion ,procédé par macro dissection et extraction d’ADN et contrôle de qualité. Cette dernière étape a restreint la population à 384 cas exploitables. Un séquençage de type NGS a été appliqué visant le génome viral HPV16 des types A, B, C et D et les sous-types A1-4,B1-4,C1-4 et D 1-4.
Les principaux résultats :
Du séquençage NGS de la série ressort la mise en évidence de 284 SNPs ( mutations ponctuelles) dont la fréquence allélique rare était supérieure à 1 %.Tous ces SNPs ont été confrontés à l’évolution individuelle de la maladie et il en résultait au final 8 SNPs dont la prévalence variait entre 1% et 5 % et qui étaient significativement associés à une moindre survie globale. Ces 8 SNPs etaient localisés sur 4 zones distinctes du génome HPV16.Les patients qui étaient porteurs au minimum d’un variant HPV16 à haut risque voyait leur survie globale passer de 18.7 ans ( HPV16 non muté) à 3.96 ans ( mutant HPV16), HR=7.8( intervalle confiance 4.6-13.2).
L’application du model de Cox signait l’indépendance du facteur génétique HPV16 au sein des autres marqueurs pronostiques établis ( âge, tabac, stade, traitement).
Que faut-il en conclure ?
Cette étude est la toute première à interroger le critère génétique HPV 16 au plan de l’impact pronostique dans les COP. Cette étude montre l’apport significatif de certaines mutations dans le génome HPV 16 modulant la valeur pronostique favorable conférée par la présence HPV ( expression positive de p16) dans les tumeurs de l’oropharynx. Cette étude ouvre des perspectives intéressantes dans le cadre de la possible désescalade thérapeutique éclairée par des marqueurs objectifs. Cette étude enfin nécessite un prolongement plus scientifique visant à éclairer au plan fonctionnel l’impact des mutations HPV identifiées sur la fonctionnalité du virus et son importance dans les mécanismes de cancérogénèse.