Pernigoni N. et al. Science 374, 216-224 (2021)
Article commenté par Gérard Milano
Bases de l’etude : Un groupe multidisciplinaire italiano-suisse (Milan-Bellinzona-Lugano-Turin) a été bien inspiré en considérant l’interaction potentielle entre le microbiote et le traitement anti-androgénique du cancer de prostate.On sait désormais que le microbiote participe volontiers à plusieurs fonctions de l’organisme et l’on a vu tout récemment son impact sur l’immunité et sa capacité à moduler la réponse à l’immunothérapie par inhibiteurs du checkpoint ( nos amis de l’IGR en pointe) . C’est un peu dans cet esprit que les auteurs ont mené leur étude ne partant quand même pas de rien et en s’appuyant sur des données publiées montrant que la croissance du cancer de prostate peut dépendre du microbiote intestinal.
Methodes : Les auteurs ont déployé une large batterie méthodologique incluant des modèles souris sous anti-androgènes ,des greffes de microbiote intestinal, des analyses génetiques , de la metabolomique . Aussi et surtout l’étude a été significativement enrichie par une exploration clinique sur la base de 2 groupes de patients traités pour cancer de prostate, l’un sensible au traitement anti -androgénique et l’autre résistant.
Résultats : Sur le modèle souris les auteurs montrent que l’altération du microbiote par traitement antibiotique a un impact significatif sur la croissance de tumeurs de prostate expérimentales en induisant leur regression.
Les auteurs ont ensuite mis en évidence une différence significative en composition du microbiote provenant de souris porteuses de cancer de prostate ayant été opérées à blanc( contrôles) en comparaison aux castrées. Au niveau des souris castrées des différences qualitatives de microbiote étaient notées entre les souris sensibles et résistantes à cette intervention .
Des explorations de métabolomique ont permis aux auteurs de mettre en évidence une diminution significative de dehydroepiandrostenedione (DHEA) et de testosterone au niveau des animaux dont le microbiote avait été altéré par les antibiotiques . Cette observation a été suivie de celle montrant que les souches bactériennes des animaux résistants à la castration étaient capables de synthétiser des androgènes.
Enfin les auteurs ont pour ainsi dire bouclé la boucle en se penchant sur deux groupes de patients porteurs de cancers de prostate et sous hormonothérapie en distinguant les traitements efficaces des traitements en échec par résistance. Pr analyses de composition du microbiote il a été possible de mettre en évidence chez les patients résistants la présence de 2 souches microbiennes spécifiques en miroir de celles déjà notées dans l’étude expérimentale sur la souris. Parmi l’ensemble souches enrichies chez les patients résistants , Ruminococcus s’est montrée capable de synthétiser des androgènes à partir de pregnenolone et d’hydroxypregnenolone.
Conclusions et perspectives : Différents mécanismes de résistance ont été décrits au regard de la résistance aux traitements anti-androgéniques du cancer de prostate. Il en va de l’accroissement des récepteurs aux androgènes , de leur épissage, de l’activation de signalisation tumorale altérée et autres facteurs paracrines produits par le micro environnement tumoral.
Ici une nouvelle fenêtre de connaissance est ouverte grâce à ce travail. La découverte de la production d’une source alternative d’androgènes par des souches bactériennes du microbiote comme cause de résistance aux traitements anti-androgéniques est très motivante tant au plan de la connaissance en soi mais aussi pour des applications plus concrètes quant au suivi et à la prise en charge optimisée du cancer de prostate.