Croisement de route et immunothérapie par CPIs : bien regarder avant de traverser !
Effect of concomitant medications with immune-modulatory properties on the outcomes of patients with advanced cancer treated with immune checkpoint inhibitors :development and validation of a novel prognostic index
Buti S et al. Eur J Cancer 2021,142 :18-28
Contexte de l’étude :
L’utilisation de plus en plus large de l’immunothérapie par inhibiteurs du point de contrôle ( CPIs) et la spécificité même de ce traitement où l’impact délétère de la perturbation du microbiote est bien démontré , a conduit les prescripteurs à s’interroger sur l’interférence potentielle d’un certain nombre de médicaments co-prescrits avec l’efficacité des CPIs.
Dans la démarche d’une exploration multifactorielle, les auteurs recensent ainsi les corticoïdes, les antibiotiques , les inhibiteurs de la pompe à proton ( IPPs) ,les statines, l’aspirine, la metformine, les antihypertenseurs ( inhibiteurs de l’enzyme de conversion) .Les auteurs ont adopté une stratégie de mise en evidence de la valeur prédictive négative potentielle des co-medications en rapport à l’efficacité des CPIs en procédant en 2 temps : une étape exploratoire et une étape indépendante de validation, le tout en rétrospectif avec au total plus de 1200 patients couverts par l’étude.
Methodes :
L’étude a été conduite à l’université de Parme entre avril 2014 et février 2019 .Les patients de la partie exploratoire étaient tous traités dans la même institution à Parme ( n=217) et les patients de la partie validation provenaient de différentes institutions italiennes ( n=1012) .Les corticoïdes ( dose sup à 10mg par jour , minimum un jour )etaient pris en compte dans un intervalle de 30j avant le début des CPIs. La prise d’ antibiotiques etait considérée dans une période de 30j précédant le début des CPIs et c’était sans précision ( simple oui/non) pour la prise des IPPs, des statins, de l’aspirine de la metformine et des antihypertenseurs.
Resultats :
Etape apprentissage : cette étape, rétrospective,monocentrique , a été conduite sur un groupe de 217 patients consécutifs traités en grande majorité par des anti PD-1(86%). Le cancer du poumon était la localisation la plus représentée ( 70%). En rapport à la survie globale , 3 medicaments co-prescrits ressortent indépendamment comme facteurs prédictifs avec ,par ordre d’impact en diminution , les corticoïdes (HR 2.3 ,1.60-3.30) puis les antibiotiques (HR 2.1,1.31-3.25) et enfin les IPPs ( HR 1.57,1.13-2.18).Les auteurs sur ces bases ont bâti un score de risque en attribuant 2 points aux corticoîdes et un point aux antibiotiques et IPPs. Ce qui donnait une échelle de risque entre 0 ( bon pronostic) suivi de 1-2 ( risque intermédiaire) et enfin 3-4 ( mauvais pronostic) .En replaçant le score dans une tableau général d’une étude multivariée ressortent indépendamment pour l’OS le score, le sexe, le n de sites métastatiques et le performance status .
Etape validation : elle a été menée en rétrospectif et multicentrique sur un groupe total de 1012 patients ( 20 instituts italiens, cancer du poumon majoritaire à 52%).A l’instauration du traitement par CPIs , 25% des patients recevaient des corticoïdes, 8% prenaient des antibiotiques et 48% des IPPs. Appliquant le score à cette population et pour l’OS mediane , le score donnait 36 mois pour les patients score 0, 19 mois pour les patients en score 1-2 et 8 mois pour ceux en score défavorable 3-4 ( p inf 0.0001).En analyse multivariée et pour l’OS restent facteurs pronostiques indépendants et significatifs le mauvais score (HR 1.95,1.52-2.49-8) et le score intermédiaire (HR 1.27, 1.04-1.57). A noter le HR le plus fort dans cette etude à l’actif de l’indice de performance ( HR 2.34, 1.87-2.94).
Commentaires :
Voilà une étude de facteurs pronostiques fort bien construite au plan méthodologique avec les deux étapes clés d’apprentissage et de validation. Nous connaissions l’effet défavorable potentiel des corticoïdes vis-à-vis du traitement par CPIs, c’est ici vérifié. Les auteurs confirment l’impact délétère de la co-prescription d’antibiotiques dont l’origine est vraisemblablement à trouver au niveau du microbiote , malmené par les antiobiotiques, rôle joué par le microbiote vis-à-vis des CPIs qui est largement rapporté .Les auteurs ont su exploiter l’information en créant un score à valeur pronostique forte . On peut évoquer que la présence de co-morbidités ,impliquant une co-prescription, qui peuvent avoir un effet direct sur le devenir de la maladie et de ce fait l’origine exacte de l’impact délétère des produits co-prescrits pourrait être délicate à élucider se situant ainsi entre causalité directe et simple association.
Au final cette étude encourage à rester vigilant et à ne pas négliger l’éventualité d’un manque relatif d’efficacité des CPIs quand ils sont associés à certains médicaments dont on a vu la liste ici et à laquelle il conviendrait, sans doute, d’ajouter le paracétamol tel que la dernière analyse d’article l’évoque explicitement.