Article commenté par Gérard Milano
Qian D C et al. Lancet Oncology publiée on line 12 Nov 2021
Bases de l’etude : l’importance de la prise en compte des rythmes circadiens dans l’application des traitements anticancéreux n’est pas nouvelle pour nous( et votre serviteur en particulier ) et l’on a en mémoire une administration recommandée de dérivés du cisplatine en cours d’après-midi et celle des fluoropyrimidines en milieu de nuit ( rythme circadien de la DPD…).
Cette démarche visait avant tout à limiter la toxicité tout en garantissant une nécessaire efficacité.
Ici les auteurs s’intéressent à l’immunothérapie par CPIs et avant tout à leur efficacité à long terme qui pourrait être influencée par le moment de l’administration .Ils se basent sur un rationnel très indirect à savoir des données précliniques et cliniques qui suggèrent un système immunitaire adaptatif plus faible en rapport au fait que quand une vaccination ( grippe , BCG, hépatite A )est appliquée dans l’après-midi plutôt que le matin ,elle est moins efficace ( l’explication supposée étant l’existence d’un rythme circadien des CD8 T cells) . En complément il a été montré sur des bases expérimentales rigoureuses que la réponse à l’administration à l’IFN et à l’IL2 dépendait du moment de son administration. Autant d’éléments convergents qui ont conduit les auteurs à mener cette étude rétrospective sur un nombre conséquent de sujets et avec une méthodologie statistique rigoureuse reposant sur l’établissement d ’un score de propension.
Methodes : cette étude bénéficie des données accumulées dans la base MEMOIR qui concerne des adultes porteurs de mélanomes avancés et traités par CPIs ( trastu, nivo, ipi) sur une période 2021-2020.Les auteurs partent d’une population de 491 sujets pour se retrouver au final avec 2 groupes équilibrés sur la base de l’utilisation d’un score de propension ( âge, sexe, état général, meta cérébrales, mut BRAF, LDH, administration de corticoïdes, nombre total d’injections de CPIs) soit 73 patients par groupe et le critère différenciant les groupes étant les patients ayant ou n’ayant pas reçu plus de 20 % de leurs injections de CPIs ( 4 injections au minimum) après 16h30 .
Resultats : Les résultats pour l’essentiel nous montrent une différence significative de survie que ce soit pour l’intervalle libre ou pour la survie totale en faveur des administrations plus souvent appliquées avant 16h30 par rapport aux administrations effectuées après ce seuil temporel (HR =2.04 , p=0.038) .De même, la survie à 5 ans du groupe ayant plus de 20% des traitements appliqués après 16h30 était de 49 % en comparaison à 68% pour ceux ayant moins de 20 % des administrations appliquées après 16h30 . Ces résultats sur l’efficacité étaient totalement dissociés de ceux portant sur la toxicité avec aucun impact du temps d’administration des CPIs sur ce paramètre. A savoir également que les femmes bénéficiaient plus que les hommes de cette différence du moment d’administration avec un HR survie globale de 1.17 pour les hommes et de 13.11 pour les femmes.
Commentaires : Cette étude révèle incontestablement un impact du temps d’administration des CPIs sur la survie globale pour des patients porteurs de mélanomes avancés . Ces résultats ont été obtenus en se basant sur un seuil temporel à 16h30 et en prenant comme critère une supériorité ou une infériorité de 20 % des injections de CPIs appliquées après de seuil. Un certain arbitraire pour ces choix peut venir à l’esprit.
Les auteurs se justifient avec un argument méthodologique de populations suffisantes pour ce seuil de 20 % , à savoir se mettre soit à 10% ou alors à 50% aurait totalement déséquilibré les groupes et conduit à une impossibilité d’exploitation, selon les auteurs eux-mêmes . Ensuite , il existe des données de la littérature nous montrant un rythme circadien des niveaux circulants des CD4 et des CD8 avec un nadir autour de 16h et supportant ce seuil à 16h30, le rendant beaucoup moins arbitraire .Cette étude reste cependant rétrospective, elle est très innovante mais elle demande une confirmation prospective et l’ on pourrait espérer une étude contrôlée visant à établir plus fermement l’importance du moment de l’administration des CPIs quant à impact sur la survie en sachant que désormais les CPIs sont associés à d’autres traitements que ce soit la chimiothérapie , la RT ou plus encore les thérapies ciblée dans le cadre de la prise en charge actuelle des mélanomes, comme dans le cas présent.