Un nouvel article ici commenté et pas des moindres : la publication dans Nature par Fabrice André de l’essai SAFIR02-Breast d’UNICANCER qui a recruté 1492 patientes d’avril 2014 à oct 2019, visant à tester prospectivement, sur la base d’une étude contrôlée, le bénéfice clinique du traitement de précision, basé sur la connaissance des caractéristiques mutationnelles et l’application d’un traitement ciblé adapté à ces caractéristiques.
A-t-on enfin trouvé la pépite : Essai SAFIR02-Breast et ses résultats publiés dans Nature
Genomics to select treatment for patients with metastatic breast cancer.
André F. et al. , Nature, 2022(610):343-348.
Bases de l’étude : il est clairement établi que les altérations génétiques somatiques touchant pour la plupart des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs gouvernent une évolution défavorable pour de nombreux cancers. Il tend à être tout autant établi que la prise en compte de ces altérations moléculaires tumorales et l’application de traitements ciblés spécifiques est de nature à apporter des résultats efficaces en termes d’efficacité anti tumorale et surtout de survie, comme cela a été montré pour le cancer du poumon, entre autres. On manque cependant d’études contrôlées de large ampleur permettant de valider formellement le bien fondé de la thérapeutique personnalisée basée sur les caractéristiques génétiques de la tumeur à traiter. Ceci est particulièrement vrai pour la cancer du sein métastatique. Fabrice André et un groupe multicentrique français nous rapportent dans un récent numéro de Nature les résultats de l’essai SAFIR02-Breast d’UNICANCER qui a recruté 1492 patientes d’avril 2014 à oct 2019 et qui visait à tester prospectivement , sur la base d’une stricte étude contrôlée, le bénéfice clinique du traitement de précision, basé sur la connaissance des caractéristiques génomiques et l’application d’un traitement ciblé adapté à ces caractéristiques.
Methodes : Il s’agit d’une essai thérapeutique prospectif ayant pour objectif d’évaluer l’utilité clinique de la génomique associée à un traitement ciblé adapté à l’anomalie génétique découverte. L’essai concerne uniquement les patientes porteuses d’un cancer du sein HER2- ayant déjà reçu au maximum une ligne de chimiothérapie en situation métastatique. Les patientes HER2- ER+ devaient être résistantes à l’hormonothérapie. L’exploration des caractéristiques génétiques tumorales devait se faire soit sur la tumeur ( biopsie métastatique, approx 90% des cas ) soit sur de l’ADN plasmatique circulant ( approx 10% des cas).La méthodologie analytique génétique était celle d’un séquençage ciblé ( panel de 50 gènes) .Le recrutement a débuté en avril 2014 et s’est achevé en oct 2019 pour un total de 1492 patientes. En pratique quand l’exploration génomique était réalisable et que l’on disposait d’un traitement spécifique ciblé adapté à la caractéristique génétique découverte ( oncogènes mutés et gènes suppresseurs de tumeurs mutés voies MAPKinase et PIK3,mut BRCA1,2 pour l’essentiel , bureau central décisionnel) la patiente était randomisée entre traitement ciblé ou poursuite d’un traitement par chimiothérapie. Tel était le montage de l’essai au départ. L’essai s’est ensuite complexifié avec l’introduction d’un sous- groupe, SAFIR-PI3K comparant pour les patientes porteuses d’une anomalie génétique de la voie PI3K ( essentiellement mutations PIK3CA) le traitement par alpelisib-fulvestrant à la poursuite de la chimiothérapie .Enfin l’arrivée (2017) de la classification ESMO des anomalies génétiques, l’échelle ESCAT, a été prise en compte pour segmenter l’analyse selon le type d’anomalie génétique rencontré.
Résultats : Il y a plusieurs lectures des résultats, comme les 2 faces de Janus. Si l’on s’en tient à l’objectif de départ de l’étude à savoir si un traitement personnalisé qui attaque l’anomalie moléculaire spécifique à la tumeur de la patiente est supérieur ou pas au traitement standard , les résultats sont négatifs en terme de différence de survie sans événement par rapport à la poursuite de la chimiothérapie. Il n’y a aucune différence significative entre les 2 bras principaux de l’étude sur ce critère de survie sans évènement. En revanche, les auteurs découpent la population en tranches résultant de l’application de l’échelle d’anomalies génétiques ESCAT et alors ils réussissent dans ce cas ,et uniquement dans ce cas, à isoler un sous –groupe, les ESCAT I-II n=115, ( anomalies moléculaires reconnues comme cibles d’un traitement efficace) qui diffère significativement en survie sans événement par rapport à la poursuite d’une chimiothérapie standard ( HR .41, .27-.61, p inf .001). Ils distinguent aussi les patientes avec mutations BRCA1/2 qui tirent un bénéfice significatif de l’application de l’olaparib ( n=49).
Commentaires : Cet essai comporte beaucoup de points positifs. Il a exploré la preuve du concept en matière de valeur thérapeutique concrète pour le traitement personnalisé dans le cadre bien précis du cancer du sein métastatique .Il s’est confronté à la vraie vie des investigations intra tumorales en situation de terrain thérapeutique pour attribuer ou pas un traitement personnalisé en accord avec la caractéristique de la tumeur. Il a pris le temps d’attendre l’obtention d’un nombre important de cas ( près de 1500) afin d’asseoir une analyse à puissance statistique satisfaisante . Cependant cette étude n'est pas à l'abri des critiques. Certains diront que le résultat positif pour le sous-groupe ESCAT I-II enfonce des portes ouvertes et confirme la valeur de cibles thérapeutiques déjà validées. D’autres enfin ne manqueront pas de faire remarquer la fenêtre relativement étroite des médicaments entrant dans le panel des thérapies ciblées testées puisqu’ils sont presque exclusivement des produits Astra Zeneca .Constatons quand même que l’on est face à un article publié dans la prestigieuse revue Nature donnant dans l’absolu une garantie de très grande qualité et d’originalité de l’étude publiée. Reconnaissons aussi que les auteurs admettent que les résultats présentés ne permettent pas d’asseoir le principe d’un traitement personnalisé « à la carte moléculaire » pour le cancer du sein métastatique. Enfin, gardons quand même à l’esprit les résultats récents en matière de caractérisation d’expression génique multiple tumorale pour le cancer du sein et le grand intérêt de cette information pour la possibilité de modulation individualisée de l’intensité thérapeutique .