La question de l’impact immunologique de la radiothérapie est toujours d’actualité et ce d’autant que la place de l’immunothérapie dans la prise en charge du cancer ne cesse de s’étendre. Dans ce cadre, on a beaucoup parlé de l’effet abscopal sans vraiment pouvoir en élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires sous –jacents. Un groupe multicentrique nord -américain impliquant plusieurs équipes de radiothérapie et biologie rapportent dans un no récent du Clinical Cancer Research une large étude longitudinale sur le cancer de prostate visant par une approche multiomique ( protéomique et métabolomique ) à renseigner sur l’évolution du profil d’activation immunologique après application d’une radiothérapie stéréotaxique . Les auteurs rapportent également sur les liens entre les profils immunologiques générés et la réponse au traitement.
La protéomique et la métabolomique éclairent sur l’impact immunologique de la radiothérapie
Radiotherapy induces innate immune responses in patients treated for prostate cancers
Cheema A et al. , Clin Cancer Res 2023 ;29 :921-29
Bases de l’étude :
Les auteurs estiment que la question de l’impact de la radiothérapie sur la fonction immune n’est toujours pas clairement réglée en dehors d’une attention récente dont on a beaucoup parlé sur l’effet abscopal sans vraiment pouvoir en estimer la fréquence réelle , probablement très faible , ni en élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-jacents. Les auteurs ont donc décidé d’examiner la répercussion de la radiothérapie sur la fonction immune en développant une large étude longitudinale sur le cancer de prostate visant par une approche multiomique ( protéomique et métabolomique ) à renseigner sur l’évolution du profil d’activation immunologique après application d’une radiothérapie stéréotaxique . Pour rappel les techniques de proteomique et de métabolomique sont d’introduction relativement récente , en particulier pour cette dernière.
La protéomique est à l’analyse exhaustive des protéines ce que la génomique est à l’exploration de l’ADN et la métabolique renseigne sur l’état physiologique d’un organisme en explorant les constituants des voies métaboliques impliquant les acides aminés, les sucres , les lipides , les nucléotides . Ces techniques s’appliquent généralement à l’exploration du sérum et sur des prélèvements répétés dans le temps. Ces techniques sont développées sur des plateformes de haute technologie dédiées qui comportent des facilités de traitement de données multiples et de modélisation. Les auteurs , dans ce travail, rapportent également les liens entre les profils immunologiques générés et la réponse au traitement.
Principaux résultats :
Les auteurs ont exploré une série de 132 patients traités par CyberKnife ( âge moyen 70 ans, PSA moyen 8.6 ng/ml). Les analyses omiques étaient basées sur l’etude d’echantillons sériques multiples soit avant traitement, post 1h, 24h,1 mois, puis 3,6 et 12 mois.
Les auteurs ont ciblé préférentiellement l’ évolution des protéines reliées à la réponse de l’interferon Gamma (IFG) dans leur analyse car il existe un lien démontré entre l’activation du système redox (stimulé par la radiothérapie) et l’activation du système immunitaire orchestrée par l’IFG. Sur ces bases ,ils ont pu mettre en évidence une activation très précoce ( 1h post radiothérapie) de la voie IFG et cela seulement pour les patients qui seront mis en rémission suggérant que sous radiothérapie et dans les conditions spécifiques de cette étude, la mise en œuvre du système immunitaire est rapide et sélective permettant d’identifier précocement les répondeurs au traitement.
Les analyses complémentaires de métabolique ont permis de porter une attention particulière sur les profils plasmatiques propres à chaque type de macrophages. A savoir les macrophages de type M1, proinflammatoires et de type M2 anti-inflammatoire susceptibles de promouvoir respectivement soit un état immunoréactif, soir un état immunosuppresseur dans le microenvironnement tumoral. Ce qui est notable est la différence marquée entre chaque type de macrophage pour générer des signatures métaboliques distinctes. Ainsi, les M1 sont davantage glycolytiques et dégradent l’arginine et d’oxide nitrique tandis que les M2 produisent en majorité de l’ornithine et de l’acide urique.
Les auteurs ont trouvé que les taux plasmatiques d’acide citrique ,d’ornithine et d’acide urique ( signant une prépondérance de réponse en macrophages de type M2) étaient significativement plus élevés ( en particulier et précocement pour l’acide citrique et l’acide urique) en situation post thérapeutique pour les patients à haut risque de reprise évolutive .
Commentaires :
Les auteurs insistent sur le fait qu’une telle étude longitudinale concernant l’impact de la radiothérapie sur la fonction immune est inédite. Certes ,un impact de la radiothérapie sur le microenvironnement tumoral était déjà connu , avec la mise en jeu de différentes voies incluant la réparation d’ADN et la réponse immune localisée. Les auteurs interrogent ici cette réponse immune à une autre échelle , celle de l’organisme au global et surtout le lien entre cette réponse et le devenir clinique des patients avec un regard sur la réponse et l’évolution de la maladie. La réactivité immune était surtout marquée par une réponse de la voie IFG identifiée par l’approche protéomique .De surcroît un autre niveau de réponse immune, cellulaire, impliquant les macrophages M2 était relevé comme reflétant la réponse au traitement par radiothérapie. Au total cette étude offre de nouvelles perspectives avec la possibilité d’appliquer des marqueurs individuels de réponse à la radiothérapie, en étant bien conscient des conditions très particulières du présent travail inscrit dans une radiothérapie de précision écartant en grande partie le bruit de fond de l’atteinte des tissus adjacents. Cette étude devrait encourager des analyses à plus grande échelle visant d’autres localisations tumorales afin de permettre au final d’élargir le champ de la médecine de précision à celui, possible, de la radiothérapie.