International tailored chemotherapy adjuvant (ITACA) trial , a phase III multicenter randomized trial comparing adjuvant pharmacogenomics –driven chemotherapy versus standard adjuvant chemotherapy in completely resected stage II-IIIA non-small-cell lung cancer.
Novello S. et al., Ann Oncol 33 (1), 57-66 ( 2022)
Article commenté par Gérard Milano
Bases de l’étude : On est bien d’accord sur le fait que la floraison de marqueurs biologiques du cancer à vertu prédictive ou pronostique nous laisse souvent démunis face à leur intérêt pratique réel dans la vraie vie thérapeutique . Il en va ainsi de toutes les armes thérapeutiques médicales du cancer incluant la chimiothérapie, les thérapies ciblées et pour finir l’immunothérapie. C’est dans cet esprit que nos voisins de l’université de Turin ont lancé une vaste étude multicentrique sur la péninsule italienne avec aussi la participation de groupes germaniques ( 37 co-auteurs) . L’idée est d’y voir clair au sein de marqueurs tumoraux pour lesquels justement , lors d’études rétrospectives le plus souvent, on a du mal à distinguer l’impact au plan prédictif précis de celui plus global au plan pronostique.
En l’occurrence il s’agit de la chimiothérapie du cancer du poumon en situation adjuvante et d’un certain nombre de marqueurs en lice dont on en connaît bien certains tels que ERCC1, RRM1,BRCA1 et TS . Les auteurs en ont sélectionné a priori deux, l’expression ERCC1 en rapport à la sensibilité des dérivés de platine et celle de la TS pour la sensibilité aux antimétabolites . Leur intention a été d’évaluer leur valeur prédictive en installant deux groupes dans un essai comparatif contrôlé : un groupe qui ne tient pas compte de la valeur de ces marqueurs et un groupe qui adapte les chimiothérapies administrées à la lumière de ces marqueurs.
Methodes : L’essai contrôlé concerne des patients NSCLC non antérieurement traités et ayant tous bénéficiés d’une résection complète de leur lésion tumorale de stade II-III et destinés à bénéficier une chimiothérapie adjuvante. L’expression tumorale ERCC1 et TS était determinée par une technique de RT-PCR classique et généralisable entre les institutions . Sur cette base , des seuils d’ expression basse/haute de ces marqueurs étaient définis en regard à la valeur médiane de leur distribution. Ainsi il était possible de définir 4 groupes de patients : les ERCC1 hauts/TS hautes, les ERCC1 hauts/TS basses, les ERCC1 bas/TS hautes et enfin les ERCC1 bas/TS basses. Selon le mécanisme d’action des agents de chimiothérapie et l’impact respectif de ERCC1 ou TS sur leur résistance , les auteurs ont assigné du paclitaxel monothérapie au groupe ERCC1haut/TS hautes ,du pemetrexed monotherapie pour le groupe ERCC1 haut/TS basses, du cisplatine/gemcitabine au groupe ERCC1 bas /TS hautes et enfin du cisplatine /pemetrexed au groupe ERCC1 bas /TS basses. Quatre cycles de chimio au total ont été appliqués sur la base d’un intervalle habituel à 3 semaines. En comparatif, un groupe contrôle ne tenant pas compte de ces expressions géniques et dont le contenu en chimiothérapie était laissé au libre arbitre du prescripteur.
L’objectif principal était la comparaison des survies globales et les objectifs secondaires portaient sur la survie sans évènement et les effets secondaires .
Résultats : La période de recrutement a duré 6 ans ( 2008-2014) pour screener 773 patients dont 11% ont été exclus .Les caractéristiques démographiques et pathologiques ne différaient pas significativement entre les 2 groupes ( contrôle et traitement adapté à la biologie).Dans le bras contrôle, laissé au libre choix des investigateurs, la majorité (50%) des traitements étaient l’association gemzar-cisplat suivi de cisplat-vinorelbine ( 39%).Dans le bras expérimental les cas les plus fréquents( 40%) etaient une surexpression de ERCC1 associée à une surexpression de TS et à l’autre extrême (10%) une ERCC1 élevée et une TS basse. Le nombre médian de cycles de chimiothérapie était le même ( quatre) entre les 2 groupes. Après un suivi médian de 46 mois, moins que la moitié des évènements en survie globale étaient observés, ce qui a posé problème au plan de l’interprétation statistique et a nécessité un rajustement méthodologique a posteriori.
Des tendances étaient observées en faveur d’une meilleure survie globale et d’une meilleure survie sans évènement dans le groupe traitement adapté en comparaison au groupe contrôle avec des HR respectifs de .77 ( .56-1.06, p 0109 ) et de .89 (069-1.14,p .341).Par analyse de Cox, le risque de rechute augmentait ( tendance non significative) à la fois avec un accroissement de l’expression de ERCC1 et de TS également.
Les risques de développer des toxicités significatives ( grades 3-5) étaient supérieurs pour le groupe contrôle avec un OR à .57(.42-.78,p inf .001).
Commentaires : Ce type d’étude est largement louable face à l’étalement coûteux et souvent injustifié d’études de marqueurs tumoraux qui mettent en avant des valeurs prédictives ou pronostiques des paramètres examinés sans éprouver réellement leur intérêt au plan thérapeutique. C’est chose faite avec une telle étude mais en contrepartie cette publication révèle les difficultés pour aboutir avec un recrutement extrêmement lent qui conduit au final à un manque de puissance. Manque de puissance statistique qui est certainement à l’origine des tendances qui s’approchent sans les atteindre de la significativité statistique dans les comparaisons de survie.
Quand on sait les associations fortes entre l’expression de TS et le devenir intrinsèque de la maladie ( bien montré pour les cancers colorectaux et les cancers ORL, parmi d’autres) et souligné ici avec le risque de rechute majoré par une augmentation de TS , on s’interroge sur le bien-fondé d’examiner l’impact des traitements personnalisés sur le devenir de la maladie .Pour la survie sans évènement, on est d’accord car il s’agit d’une certaine façon d’une efficacité anti tumorale sous-jacente ( bien qu’étant en situation adjuvante) mais alors sur la survie globale , là on n’est plus d’accord car la TS élevée introduit un biais car liée à long terme à la prolifération tumorale et donc à l’évolution péjorative. Donc les auteurs auraient dû prendre comme unique facteur de comparaison la survie sans évènement en cernant ainsi mieux et surtout de façon plus crédible l’influence du traitement personnalisé sur l’efficacité thérapeutique.
Curieusement, les auteurs ne commentent pas le meilleur index efficacité/toxicité conféré par les traitements personnalisés .On sait que l’expression TS est gouvernée en grande partie par des polymorphismes génétiques germinaux et qu’ainsi les traitements actifs en rapport à la cible TS le sont tout autant sur le tissu tumoral que sur les cellules normales en prolifération. En considérant que dans le plus grand nombre des cas la surexpression tumorale de TS était présente et que le bras contrôle était en majorité représenté par l’association cisplatine+ l’antimétabolite gemzar alors que dans le groupe traitement adapté les plus fréquents étaient les cas à forte expression ERCC1 et TS traités par paclitaxel monothérapie , une interaction antimétabolite et toxicité sous TS élevée peut être une des explications pour la toxicité supérieure dans le groupe contrôle.
Au final, cette publication témoigne d’une entreprise louable recherchant la validation prospective de l’utilité de marqueurs tumoraux dans le NSCLC sur la base d’un essai contrôlé montrant dans la vraie vie les difficultés pour conduire un tel essai purement académique .La prise en charge du NSCLC a été certes bouleversée depuis les fondements de cet essai avec l’arrivée de l’immunothérapie ( certainement un des freins au recrutement ) mais il n’en demeure pas moins que la chimiothérapie concernée ici garde toute sa place à côté de l’immunothérapie dans le traitement de cette pathologie tumorale, comme on le sait.