L’espace thérapeutique en immunothérapie des cancers s’est ouvert considérablement avec les CPIs et s’engouffrent dans cette brèche d’autres cibles modulatrices de la réponse immune anti tumorale telle que LAG-3, TIM-3, OX0 et TIGIT. C’est pour cette dernière qu’un article récent de Clin Cancer Res rapporte des résultats de phase I pour un anticorps monoclonal thérapeutique seul ou associé au nivolumab avec une exploration biologique –pharmacologique associée.
La base thérapeutique visant les inhibiteurs de la réponse immune antitumorale s’élargit !
A phase 1a/b open-label,dose-escalation study of etigilimab alone or in combination with nivolumab in patients with locally advanced or metastatic solid tumors
Mettu N. B. et al., Clin Cancer Res 2022 ;28 :882-92
Bases de l’etude : Les avancées actuelles en immunothérapie des cancers vont désormais au-delà de l’interaction modulatrice CTLA-4 ou PD-1 et font la part belle à d’autres éléments interactifs à l’interface tumeur/ cellules de l’immunité avec des acteurs tels que LAG-3 ( tout particulièrement et dernièrement) mais aussi TIM-3,OX40 ou encore TIGIT. C’est pour cette dernière cible que les auteurs de cet article CCR rapportent les résultats de cet essai précoce épicé de biologie et de pharmacologie. TIGIT c’est , prenez votre souffle , T-cell immunorecepteur with immunoglobulin and immunoreceptor tyrosine-based inhibitory motif domain , donc TIGIT le bien nommé finalement . C’est un récepteur qui participe à un reseau multiple à la fois de régulation négative et de co-stimulation avec de multiples ligands dont CD155.Globallement, TIGIT induit un effet inhibiteur sur les cellules T et les NK et active les T reg, donc rien de bon pour l’immunité antitumorale qui est relativement désarmée par sa mise en action .Pour preuve l’expression de TIGIT dans les TIL ou les cellules CD8+ T est associée à un mauvais pronostic dans les mélanomes et les cancers de l’estomac, respectivement. De plus une expression élevée du ligand CD155 est synonyme d’évolution défavorable dans de nombreux cancers dont ceux affectant le poumon et les mélanomes. Des données précliniques basées sur l’application d’un AcMc ciblant TIGIT sont encourageantes, elles montrent selon les modèles utilisés une déplétion des T Regs et une activation des cellules CD8T tout autant qu’une efficacité antitumorale sur des modèles précliniques syngéniques en rapport au cancer du colon, du sein , du rein et enfin des inamovibles mélanomes .
L’Etigilimab ( Eti) est la créature d’une startup californienne (Mereo Biopharm) , c’est une IgG1 humanisée qui cible TIGIT et qui est dotée d’une activité ADCC propre à cette catégorie d’IgG. Des signaux positifs précliniques indiquent une synergie entre les inhibiteurs de TIGIT et les anti PD-L1. C’est sur cette base que les investigateurs –auteurs ont développé cet essai de phase Ia/b visant l’utilisation de Eti seul ou en association avec le nivolumab ( nivo, partie I/b de l’essai).
Methodes : Une escalade de dose en mode 3+3 classique était appliquée pour la partie I/a de l’essai(0.3 à 20 mg /kg).De même pour la partie /b de l’essai ( association Eti-Nivo) le mode 3+3 était de mise avec une dose totale de nivo fixée à 240 mg .Pour le premier cycle seulement les 2 produits étaient décalés avec Eti à J1 et nivo à48h. Pour tous les autres cycles les 2 AcMc étaient administrés le même jour soit le J1 de cycles à 14j.L’objectif principal était l’examen de la tolérance au traitement et les objectifs secondaires étaient l’obtention de la dose maximale tolérée et celle de la toxicité dose-limitante. Les auteurs ont également rapporté sur des aspects pharmacocinétiques ( Eti seul ou en association) et sur des répercussions au niveau de biomarqueurs circulants.
Resultats : Vingt patients sur 23 ont éte évaluables pour la phase Ia et 8 pour la phase Ib. Les patients étaient tous lourdement prétraités avec 39 % de ceux de la phase Ia ayant reçu un anti-PD-1 par rapport à 100% de ceux de la phase Ib.Les auteurs ne rapportent aucune toxicité dose limitante et par conséquent la dose maximale tolérée n’a pas été déterminée. Les effets secondaires prépondérants ont été pour la phase Ia le rash cutané (43%) suivi de la nausée et de la fatigue.Pour la phase Ib il y avait surtout une perte d’appétit (50%) suivi de la nausée et du rash cutané. Au total 6 patients ont développé une toxicité sup ou égale à G3.Pour la réponse la phase Ia a révélé 30 % de maladie stabilisée et la phase I b a montré une réponse partielle et une stabilisation de l’évolution sur une période de 8 mois pour un patient.
Une étude pharmacocinétique associée indique un temps de demi-vie ( t1/2) de Eri situé à 6.1 j en moy .A noter la présence du Nivo n’impactait pas sur la PK de l’Eti.Pour la partie biologique de l’étude ressortent une baisse des TRegs circulants en présence d’Eti et également un accroissement du rapport CD8/TReg.Une analyse moléculaire plus fine indique un accroissement du Ki67 sous l’effet de Eti dans les cellules TIGIT+/CD4+ .Tous ces effets etaient dose dépendants.
Commentaires : Globalement cette etude révèle la bonne tolérance globale à l’Eti que ce soit en monothérapie ou encore en association au Nivo. Le t1/2 à 6 j est probablement sous-estimé ( courte durée de suivi ?) car il devrait se rapprocher de celui des IgG1 humaines ( 21j) ,cependant Eti n’est pas un AcMc entièrement humain mais simplement un humanisé, ce qui explique probablement un t1/2 plus court et une administration à un rythme de 2 ou 3 semaines qui pourrait convenir. Une reponse dose-dépendante des marqueurs immunitaires circulants corrobore le ciblage de TIGIT et enfin un signal d’efficacité est perceptible en particulier pour des patients resistants au traitement par anti-PD-1. A noter que deux autres anti-TIGIT en développement ont également révélé une efficacité thérapeutique, en particulier dans le cancer du poumon, en association avec l’atezolizumab et au pembrolizumab , il s’agit du tiragolumab et du vibostolimab .
Message-clé : L’Etigilimab est un nouvel anticorps thérapeutique ciblant le modulateur de la réponse immunitaire TIGIT, sa tolérance est satisfaisante et il montre une activité chez certains patients résistants aux anti –PD-1.