Voici un nouveau coup de projecteur sur l’immunothérapie, et ce besoin de marqueurs prédictifs toujours présent.
Les auteurs (IGR et CLCC Bordeaux) se sont intéressés à la question, avec la mesure du taux circulant d’arginine et des résultats prometteurs publiés dans un des derniers no d’Ann Oncol.
Intéressant !
La marche vers les bons répondeurs à l’immunothérapie : un pas de plus avec l’arginine plasmatique
Circulating L-arginine predicts the survival of cancer patients treated with immune checkpoint inhibitors.
Peyraud F. et al. , Ann Oncol 2022,33(10) : 1041-51
Bases de l’étude : Les avancées thérapeutiques conférées par l’utilisation de l’immunothérapie sont spectaculaires mais les bénéfices en survie restent encore trop souvent limités à une minorité de sujets .Il existe un besoin constant de disposer de marqueurs prédictifs et l’on dispose à ce jour , selon les types de cancers concernés, de marqueurs cliniquement validés que sont l’expression PD-L1,l’instabilité microsatellitaire et la charge mutationnelle. Cependant , ces marqueurs tumoraux ont leurs limites comme un manque de reproductibilité analytique notamment avec l’expression PD-L1 et la nécessité de disposer de tissu tumoral avec les contraintes pratiques inhérentes à cette exigence. Donc , le champ est ouvert pour des alternatives et en particulier le recours à l’exploration du compartiment sanguin . A ce titre, on a vu récemment l’intérêt de la mesure des cellules immunitaires circulantes avec en particulier le rapport entre les T lymphocytes activées et les T lymphocytes régulateurs.
Ici les auteurs s’intéressent à l’arginine circulante. Le métabolisme de l’arginine est relié à des fonctions cellulaires vitales dont les capacités immunomodulatrices. L’arginine est notamment indispensable à l’activation des lymphocytes T , son défaut relatif ralentit leur prolifération et diminue la production de cytokines régulatrices de la réponse immune antitumorale. Autant d’arguments qui ont motivé les auteurs ( Antoine Italiano ,auteur référent) à conduire cette étude rétrospective sur une population conséquente de près de 400 patients traités par inhibiteurs du point de contrôle (CPIs) et selon une méthodologie très satisfaisante comportant en particulier un groupe patients découverte et un groupe patients validation.
Methodes : Il s’agit d’une étude rétrospective sur du matériel biologique collecté lors de l’essai CheckMate 025 ( nivolumab) ayant comporté 2 cohortes de patients . S’y ajoutait aussi du matériel biologique provenant de 2 autres essais immunothérapie par CPIs conduits à l’IGR et au CLCC de Bordeaux constituant un total de 392 pour la première partie de l’étude à visée exploratoire. La méthode analytique appliquée pour caractériser la L-arginine était dans un premier temps la metabolomique sérique. Une methode type immuno -essai a été ensuite adoptée pour explorer une plus large série de patients. Un groupe de patients a été ensuite constitué afin de valider indépendamment les observations issues de la première partie de l’étude ( essai de phase I avec ,comme CPI testé , le budigalimab) . Une étude de confirmation de corrélations sur l’animal s’y est aussi rajoutée ( modèle souris avec cancer colorectal syngénique) et enfin des investigations de cytométie en flux multiplex ont été développées afin de corréler des caractéristiques des cellules immunes circulantes aux variations des taux d’arginine plasmatiques.
Résultats : En une première étape les auteurs ont pu identifier une valeur seuil d’arginine (ARG) de base à 42.3 uMol capable de discriminer la survie (392 patients avec cancer du rein, nivolumab , CheckMate 025)tel que la meilleure survie globale était celle des patients avec ARG élévée ( mediane OS à 38 mois) par rapport aux patients avec ARG basse ( mediane OS à 20.6 mois).Cette valeur d’ARG de base ,seuil, a été confirmée au travers du groupe de validation permettant d’une part d’affiner la valeur prédictive de ce paramètre comme étant également liée à la réponse objective ( 30% vs 14.2 %,p=.017,etude PREMIS ,n=295) avec également l’association à la survie confirmée , indépendante, dans un cadre d’analyse multivariée incluant l’âge , le sexe, le PS, l’histologie, et la LDH plasmatique .
Les auteurs ont exploré un modèle murin de tumeur colique syngénique avec prélèvements plasmatiques précédant l’injection d’un anticorps anti-PD1 avec un suivi de 8 semaines pour la prolifération tumorale et la survie des animaux. Ici encore les souris présentant un taux faible d’ARG avaient une survie plus courte et un taux d’éradication tumorale inférieur par rapport aux souris avec un taux d’ARG élevé ( seuil à 168 uMol).
Enfin, une analyse complémentaire immunohistochimique a permis de mettre en évidence une association entre le niveau d’expression PD-L1 élevé de plusieurs types de cellules immunes circulantes et la valeur plasmatique basse d’ARG.
Commentaires : ces résultats originaux offrent avec le taux d’ ARG plasmatique un outil supplémentaire dans l’arsenal des facteurs prédictifs à l’immunothérapie par CPIs.
L’étude a été parfaitement bien conduite en divisant idéalement la mise en évidence de la valeur prédictive de l’ARG en 2 étapes complémentaires , une de découverte suivie de la confirmation et ce sur des groupes différents de patients avec un nombre satisfaisant de cas.
A noter cependant une hétérogénéité des cadres thérapeutiques avec des essais différents et des CPIs différents également , ce qui affaiblit incontestablement la puissance des conclusions. Cela est compensé par le souci des auteurs à compléter la démonstration avec une recherche de marqueurs lymphocytaires associés à l’expression de l’ARG dont le niveau de PD-L1 rapporté. Enfin une investigation sur le rongeur confirme le lien entre la valeur d’ARG de base et l’efficacité antitumorale d’un CPI. Pour autant cette publication n’offre pas clé en main un nouveau marqueur avec des valeurs seuil discriminantes et universelles , cela devra faire l’objet d’études ultérieures qui devront aussi répondre au caractère indépendant ou pas de l’expression d’ARG par rapport au marqueur tumoral le plus largement reconnu : la charge mutationnelle tumorale. Enfin , pour information , des essais thérapeutiques sont en cours ( phases I ) avec des associations entre CPIs et inhibiteurs d’arginase, enzyme qui catabolise l’arginine, et dont on comprend ici clairement le rationnel.