Voici un article issu d’un récent numéro du Clin Cancer Res et qui met en évidence la possibilité pour un nouveau marqueur tumoral, les mutations du gène SPOP , de prédire spécifiquement le bénéfice en survie grâce une intensification thérapeutique du cancer de prostate hormono-sensible métastatique par l’ajout d’inhibiteurs de la signalisation androgénique tels que l’acétate d’abiraterone ou l’enzalutamide.
Des mutations tumorales ,sur le gène SPOP, qui identifient les bénéficiaires d’une intensification thérapeutique pour les cancers de prostate hormono-sensibles métastatiques
SPOP mutations as a predictive biomarker for androgen receptor axis-targeted therapy in de novo metastatic castration –sensitive prostate cancer.
Swami U et al . , Clin Cancer Res 2022,28 :4917-25
Bases de l’étude : Des avancées thérapeutiques récentes ont été enregistrées dans la prise en charge du cancer de prostate avancé avec la mise en évidence du bénéfice de l’intensification de la suppression androgénique par l’ajout d’une chimiothérapie par docetaxel ou l’application d’inhibiteurs de la signalisation androgénique ( ISA) tels que l’acétate d’abiraterone ou l’enzalutamide. Cependant on est en manque de marqueurs prédictifs objectifs capables de prévoir le bénéfice apporté par l’un ou l’autre des acteurs de cette alternative et donc incapables d’orienter objectivement le patient vers l’une ou l’autre de ces options thérapeutiques. C’est dans cet esprit que les auteurs nords –americains de cette étude ont mis sur pied leur travail. Ils se sont intéressés pour cela au gène SPOP et ses mutations. Ce gène SPOP participe à la dégradation protéique via le protéasome . Des pertes de fonction de SPOP par mutations sont reliées à la cancérogénèse du cancer de prostate et ces mutations SPOP ont été également montrées comme étant associées à une meilleure survie des patients avec cancer avancé de prostate hormono-sensible traité par ISA .Les auteurs ont décidé d’examiner à grande échelle la valeur prédictive de ces mutations SPOP pour les cancers de prostate de novo métastatiques devant recevoir soit des ISA ou une chimiothérapie par docetaxel. L’étude rétrospective de nature couvre une période de 10 ans et a screené plus de 4000 échantillons tumoraux.
Methodes : les auteurs ont exploré une base de données avec recueil d’échantillons tumoraux comportant une analyse génétique centralisée ( US Foundation Medicine) et ce sur une période de 10 ans ( 2011-2021) et portant sur 800 établissements de soins aux USA. L’analyse de mutations était basée sur le principe NGS visant un domaine particulier du gène SPOP hot spots) concernant les acides aminés 38-163 selon les données de la littérature pour le lien entre mutations SPOP et cancer de prostate. Les patients sélectionnés étaient ceux métastatiques de novo (apparition de métastases absentes au diagnostic et ce dans un intervalle de temps égal ou inf à 30j). Le prélèvement tumoral devait avoir eu lieu dans une période de 90 j après le diagnostic initial et le traitement par ISA ou chimiothérapie par docetaxel devait avoir été donné au plus tard 120j après le diagnostic.
Resultats : Caractéristiques de la cohorte : les auteurs ont eu à disposition une banque de 4417 cancers de prostate profilés génomique et l’application des critères de l’étude a conduit à la sélection d’un groupe de 447 patients de novo métastatiques recevant soit un ISA ( n=223),soit une chimiothérapie par docetaxel( n=214) . Les mutations SPOP concernaient 8.6 % et 8.4 % des sous- groupes ISA et docetaxel, respectivement. Ces mutations étaient groupées dans le domaine MATH du gène SPOP et concernaient essentiellement les hot spots F102,F133 et W131.Les échantillons mutés SPOP comportaient une exclusion totale de fusions TMPSS2-ERG, anomalie génomique fréquemment associée au cancer de prostate, et étaient relativement dépourvus de mutations p53,PTEN et RB1.Les profils de base des 2 cohortes ne révélaient aucune différence en score ECOG, score Gleason et niveau de PSA .La comparaison entre les patients mut SPOP et non mut SPOP révélait une différence significative du PSA de départ à l’avantage des mut SPOP .En revanche il n’y avait aucune différence associée à la présence ou pas des mut SPOP en ce qui concerne l’âge des patients, leur score de performance ECOG ,le Gleason, le taux de phosphatases alcalines et le taux d’hémoglobine.
Impact des mutations SPOP : Dans la cohorte ISA les patients avec une mut SPOP avaient une meilleure survie sans résistance à la castration en comparaison aux patients sans mut SPOP : HR .02,.06-.63,p=.006 . Un tel impact des mutations SPOP n’était pas observé dans la cohorte docetaxel. Les mêmes associations entre mut SPOP et évolution sous traitement étaient rapportées pour la survie globale et ce pour chaque cohorte. Ces interactions étaient observées en analyse de sous-groupes et en ajustant par rapport aux facteurs de risque connus dans le cancer de prostate( Gleason ,PSA, âge ,phosphatases alcalines, albumine, hémoglobine) : la présence de mut SPOP restait un facteur indépendant prédictif de meilleure survie pour les patients du groupe ISA et uniquement pour ce groupe.
Commentaires : Cet article nous offre la possibilité d’améliorer le pilotage thérapeutique du cancer de prostate avancé. Il faut bien reconnaître que cette localisation tumorale qui est parmi les plus fréquentes souffre d’un manque de marqueurs permettant un pilotage thérapeutique comme on en bénéficie dans la pathologie sœur qui est le cancer du sein ou encore le cancer colorectal voire le cancer du poumon. Les mutations SPOP apparaissent à l’issue de cette étude comme étant le tout premier marqueur biologique permettant d’orienter la thérapeutique dans le cancer de prostate hormono- sensible métastatique de novo. Il est clair cependant que cette étude comporte ses propres limites ,méthodologiques en particulier, étant de nature rétrospective . Un des apports à l’avenir que l’on pourrait attendre de ces mutations SPOP serait de pouvoir identifier les bons des mauvais candidats à un triplet : suppression androgénique + ISA+ chimiothérapie vs le doublet : suppression androgénique +ISA . Les données ici présentées incitent à la conduite d’études prospectives contrôlées afin de répondre à ces importantes questions .