Comme convenu, voici mes commentaires sur l’article JCO récemment pointé par notre ami Charles-Henry. Il s’agit d’une étude pertinente en rapport avec la signification clinique de la détermination du statut tumoral PD-L1 visant la prédiction de l’efficacité et de la survie résultant d’un traitement par inhibiteurs du checkpoint immunologique. La localisation tumorale visée est le cancer du poumon non à petites cellules .Les auteurs proposent ici une alternative analytique qui consiste à mesurer le niveau d’interaction PD-1/PD-L1 par une technique FRET originale et la comparer au standard prédictif en la matière qui est le niveau d’expression PD-L1.
Pouvoir estimer la proximité spatiale PD-1/PD-L1 pour mieux prédire l’efficacité des CPIs
Functional engagement of the PD-1/PD-L1 complex but not PD-L1 expression is highly predictive of patient response to immunotherapy in non-small-cell lung cancer.
Sanchez-Magraner L. et al., J Clin Oncol 2023, on line 23 fev 2023
Bases de l’etude :
La prédiction d’efficacité de l’immunothérapie par CPIs reste actuellement insatisfaisante et l’outil analytique le plus répandu et accessible se trouve dans le marquage tumoral de l’expression PD-L1 par technique d’immunohistochimie. Son application dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) comporte des zones d’ombres avec des patients à tumeurs positives qui restent cependant réfractaires au traitement par CPIs. C’est dans ce contexte que les auteurs ont forgé leur approche analytique originale.
Elle est basée sur la technique d’émission de fluorescence FRET et les auteurs ont ainsi développé des anticorps conjugués visant respectivement PD-1 et PD-L1 et permettant de provoquer l’effet FRET . Ils ont validé leur technique en comparaison au marquage PD-L1 sur une série rétrospective de patients avec CPNPC et traités par CPIs seuls ou en association avec la chimiothérapie en testant les valeurs prédictives et pronostiques respectives des 2 méthodes .
Methodes :
La méthode utilisée par les auteurs est basée sur la technique FRET, bien connue . Elle permet généralement la compréhension de l’interaction entre 2 molécules biologiques. Il s’agit de quantifier un transfert d’énergie entre 2 molécules fluorescentes à proximité ( qui sont couplées l’une et l’autre aux proteines en étude d’interaction) .La molécule donneur transfère des photons à la molécule receveur qui , en réaction, augmente de fluorescence. L’originalité ici est d’avoir appliqué cette technique à l’interaction entre PD-1 et PD-L1 en se fixant une distance réactionnelle optimale entre 1 et 10 nm. Les auteurs ont donc développé un anticorps-couplé dirigé contre PD-1 comme donneur et un anticorps –couplé dirigé contre PD-L1 comme receveur, le tout sous une stimulation laser à 488 nm.
Tous les échantillons tumoraux analysés provenaient de CPNPC ( biopsies ou tumeur sous chirurgie) , tumeurs primitives ou metastases. Tous les échantillons faisaient l ‘objet d’une analyse IHC de l’expression PD-L1 qualifiés hauts ou bas selon le seuil de marquage à 50%.Tous les patients recevaient une immunotherapie par CPI donnée seule ou en association avec une chimiothérapie. Les CPIs appliqués étaient soit des anti PD-1 soit des anti PD-L1, dont pembrolizumab suivi de nivolumab qui étaient les CPIs les plus fréquents.L’immunothérapie était donnée en 1ere, 2ieme ou 3ieme ligne thérapeutique.
L’intensité de FRET différenciait les tumeurs quant à leur niveau d’interaction PD-1/PD-L1 avec un seuil coupant la distribution de la population en 60 %/40% ( au-delà du seuil 40 % de la population et en deçà 60%) .Il faut, très étonnamment, devoir rechercher dans la discussion comment les auteurs procédaient pour l’évaluation tumorale globale de l’intensité de FRET (analyse de 50 spots FRET par coupe tumorale ).
Principaux résultats :
Il y avait une totale indépendance des résultats en matière d’évaluation du statut PD-1 PD-L1 entre les techniques FRET et la ,quantification PD-L1 par IHC.
Sur la cohorte des 135 patients CPNPC exploitables de l’étude l’application de la régression de COX pour la survie globale ne faisait ressortir que le FRET comme variable prédictive indépendante ( FR 0.8066,0.6992-0.9153,p=0.18).
Plus en détail, les patients avec FRET élevé avaient des survies globales et sans événement statistiquement plus longues que les patients avec FRET bas, 31 mois et 17 mois vs respectivement 10 mois et 7 mois .En contraste, le score IHC de marquage PD-L1 étaient totalement dépourvu de valeur prédictive que ce soit pour la survie globale ou la survie sans évènement. A noter que la valeur prédictive du FRET l’était non seulement pour les premières lignes de traitement par CPIs mais également pour les deuxièmes lignes. A noter aussi que le marquage IHC ne mitigeait pas le résultat et l’impact en survie du FRET à savoir que les patients avec un FRET intense et un score IHC PD-L1 bas restaient de meilleur pronostic que les patients avec FRET bas et PD-L1 en IHC élevé ( p=0.003).
Commentaires :
Incontestablement l’outil analytique ici présenté constitue une avancée significative au sein des panels d’outils à disposition pour prédire l’efficacité des CPIs. En effet ,il est clair que la capacité de la tumeur d’être sensible ou pas à l’immunotherapie par CPIs repose sur la notion de quantité intratumorale de lymphocytes cytototoxiques mais pas uniquement. Il faut également que ces cellules immunitaires soient en interaction directe avec les cellules tumorales. Ce test FRET mis ici à l’épreuve répond bien a priori à ces deux critères et se montre hautement prédictif de l’évolution des patients traités par CPIs. On aurait toutefois voir plus tranchée pour ce test la notion de pure prédiction de la réponse par rapport à celle de valeur pronostique .
Les limites de cette étude ne s’arrêtent pas là et il faut regretter que les investigateurs aient pris ,comme comparateur à leur test , la simple expression PD-L1 quand on sait désormais que c’est la valeur hybride expression PD-L1 plus niveau d’infiltrat lymphocytaire qui est une référence à ce niveau. De plus , et les auteurs le reconnaissent eux –même , le test ne permet pas de distinguer les interactions T lymphocytes-cellules tumorales de celles des cellules immunitaires entre elles. Enfin, il est clair qu’une confirmation sur la base d’une étude prospective est souhaitable en évitant le mélange qui nous a été présenté sur une base rétrospective avec différentes immunothérapies anti PD-L1 et anti PD-1, différentes situations en monothérapie ou en association avec la chimiothérapie et enfin plusieurs stades d’évolution de la maladie pris en compte.