Article commenté par Gerard Milano
Prevoir la reponse aux CPIs sur une base biologique :est-ce possible en dehors des explorations intratumorales ?
Circulating immune bioenergetic,metabolic and genetic signatures predict melanoma patients’response to anti-PD-1 immune checkpoint blockade
Triozzi PL et al. Clinical Cancer Research 2022 ;28 :1192-202
Bases de l’etude :
Il est clair que l’application de l’immunothérapie par CPIs a fait significativement progresser la prise en charge de certains cancers graves tels que les mélanomes avancés et les cancers du poumon NSC et il est tout aussi clair que seule une fraction limitée des patients tire un profit réel de cette immunothérapie. La conséquence à cela a été la recherche très active de biomarqueurs susceptibles de prévoir l’efficacité thérapeutique des CPIs et de stratifier les patients en répondeurs potentiels / non répondeurs .Parmi ces marqueurs tumoraux on compte désormais l’expression tumorale en PD-L1, la charge mutationnelle, l’instabilité micro satellitaire et le déficit en réparation des mésappariements .cependant, l’obtention de matériel tumoral peut être problématique en particulier lors du suivi du patient en situation de recherche de prélèvements tumoraux contemporains à l’évolution de la maladie. On est là dans la problématique des biopsies liquides dont le champ d’application n’a été que trop peu exploré pour l’immunothérapie par CPIs, en dehors de quelques études portant sur les types de lymphocytes circulants . Les auteurs ( Université de Caroline du Nord) abordent ici la question avec une large palette de marqueurs potentiels explorant tout à la fois la fonctionnalité et les caractéristiques métaboliques des cellules immunes circulantes.
Methodes :
Il s’agit d’une etude rétrospective monocentrique ( Wake Forest University Health Sciences) portant sur des patients avec mélanome avancé traités par anti-PD-1 et basée sur des prélèvements sanguins obtenus en situation pré thérapeutique.
Les auteurs ont ainsi distingué arbitrairement 2 groupes de 20 patients selon la réponse au traitement ( réponses complètes ou partielles vs non répondeurs). Les explorations ont porté sur le plasma et les cellules mononuclées circulantes(CMC).Les analyses réalisées ont recherché pour les CMC des caractéristiques de bioenergétique cellulaire, de dynamique mitochondriale. Les techniques appliquées couvraient dans une large palette le champ de la cytométrie en flux ,de la metabolomique plasmatique et enfin du RNA-seq.
Résultats :
-La bioenergetique intrinsèque ( respiration mitochondriale) des CMC isolées a mis en évidence une différence significative en faveur des répondeurs faisant preuve d’une capacité respiratoire des CMC significativement supérieure par rapport aux non répondeurs .
-Des analyses de métabolique plasmatique ont révélé que les patients répondeurs avaient des profils de métabolites différents des non répondeurs en particulier avec un niveau supérieur de metformine, cependant les différences restaient à la limite de la significativité statistique.
-Des portraits d’expression génique ( RNA seq) au niveau des lymphocytes T et entre répondeurs et non répondeurs ont montré que ces derniers présentaient une moindre expression du gène SLC2A14 (transporteur de glucose) .
Commentaires :
Il est clair que les auteurs abordent ici un domaine d’investigation largement négligé par rapport aux explorations tumorales directes afin de prévoir la réponse au traitement par CPIs. Cependant une grande part de l’efficacité du traitement par CPIs devrait reposer sur des capacités intrinsèques des lymphocytes au plan individuel au regard de la réaction immune anti tumorale. C’est le message essentiel que nous apportent les auteurs ici en répondant positivement à cette question de par l’exploration dynamique, génétique et biochimique des CMC circulantes avec un regard porté logiquement sur les lymphocytes T et le lien avec l’efficacité bthérapeutique des CPIs pour un groupe,( relativement limité ) de patients porteurs de mélanomes malins avancés.
Cette étude aurait mérité d’être élargie par des comparaisons entre les données présentées et celles provenant de la tumeur elle –même telle que la charge mutationnelle . C’est en effet frustrant de ne pas savoir si les profils présentés des T lymphocytes sont le reflet d’un message biologique tumoral ( neoantigènes ) capable de modifier ces caractéristiques des T lymphocytes ou bien si les lymphocytes sont indépendants à ce niveau et se rangent derrière des propriétés liées au sujet lui-même.
Egalement cette étude aurait gagné en pertinence clinique de par l’exploration de plusieurs prélèvements dans le temps pour des patients évolutifs ou pas.
Enfin il est regrettable que les auteurs ne s’en soient tenu qu’à l’analyse du lien avec la réponse et non pas également à l’examen de la capacité pronostique ( survie sans évènement et survie globale) .Ce sera probablement fait dans un temps ultérieur et les auteurs peuvent être encouragés dans ce sens au vu des résultats prometteurs et originaux ici produits.
Les capacités biodynamiques intrinsèques , les caractéristiques d’expression génique et biochimiques des T lymphocytes diffèrent entre les répondeurs et les non répondeurs aux CPIs mais ces observations nécessitent une plus large confirmation .