Petroni G et al. Clin Cancer Res 2021 ;27 :1855-63
Article commenté par Gerard Milano
Bases de l’étude : Avec les inhibiteurs de cyclines CDK4/6 et la RT nous disposons de deux armes thérapeutiques particulièrement sensibles au cycle cellulaire et pour cette raison et d’autres encore (en particulier effets immuno modulateurs ) il était tentant de les associer dans le cancer du sein ER+.
Cependant, les données précliniques à disposition convergent sur des effets supra-additifs des deux traitements mais divergent cependant à ce jour quant à l’ordre d’association optimal , cela s’expliquant sans doute par la diversité des modèles précliniques utilisés et les modalités d’application des deux traitements en lice.
Les auteurs de ce travail développé dans le Département de Radiothérapie du Weill Cornell de New York ont décidé de reprendre le problème à la base en particulier en fondant leurs résultats sur des modèles de souris immunocompétentes ainsi mieux représentatifs de la situation clinique .
Methodes : les modèles cellulaires étaient de deux sources différentes. In vitro les auteurs ont exposé des cellules en culture standards tels que les MCF7 ou encore les MDA-MB-231.Les expériences in vivo ont été pratiquées sur des souris immunocompétentes BALB/c porteuses de tumeurs mammaires TS/A de type ER+
L’impact sur la survie cellulaire in vitro était analysé au regard de tests clonogéniques .
Les effets des traitements isolés ou en association étaient examinés sur la base de mesures de cytométrie en flux.
Cinq groupes de souris ont été distingués : 1- contrôles ( évolution des tumeurs implantées sans traitement) ,2-RT localisée ( 3 fractions d0-d2 de 6 à 10Gy par fraction selon le type de tumeur),3-palbociclib seul ( 150mg/kg de d3 à d13), 4-palbo avant RET et enfin 5-RT avant palbo.
Résultats :
Sur le modèle bien connu MCF7 et en conditions in vitro, un effet de l’ordre d’association a été mis en évidence pour les effets cytotoxiques avec une additivité de l’action obtenue pour RT suivi du palbo et au contraire une perte d’additivité constatée avec une RT appliquée 12 heures après l’exposition au palbo. En pleine cohérence, une analyse couplée du cycle cellulaire a permis de mettre en évidence que le pourcentage de cellules MCF7 bloquées en phase G2-M était significativement supérieur avec le schéma RT vers palbo que l’inverse ,c’est à dire palbo vers RT.
Dans les conditions de tumeurs implantées in vivo sur modèle de souris immunocompétentes, l’application de la RT seule avait un effet inhibiteur de croissance tumorale tandis que le palbo seul n’impactait pas significativement sur ce paramètre. Le meilleur effet antitumoral sur les tumeurs mammaires implantées était lié au schéma thérapeutique avec une efficacité optimale pour la RT suivie du palbo .Ces résultats avec effet marqué de l’ordre d’association étaient confirmés sur un autre modèle de souris immunocompétente greffées , pour des tumeurs M/D très proches des caractéristiques du cancer du sein luminal B.
Enfin les auteurs ont également exploré un modèle de cancer du sein triple négatif avec les cellules 4T1 dotées de la capacité marquée à développer des métastases pulmonaires. Sans trop de surprise le palbo seul était inefficace mais associé à la RT et après cette dernière il procurait un effet anti métastatique significatif.
Commentaires :
Les auteurs apportent des arguments précliniques forts en cohérence in vitro/ in vivo sur une additivité cytotoxique marquée des effets antitumoraux de l’association entre RT et palbo très liée cependant à l’ordre d’association mettant en exergue un ordre optimal RT suivi du palbo.
La recherche des mécanismes d’action possiblement à l’origine de cet effet est relativement limitée dans ce travail, elle se borne à l’impact cumulé sur le cycle cellulaire avec blocage favorisé en G2-M.On peut regretter que les auteurs n’aient pas exploré la sphère de l’activité des CDK4/6 i passant par une action favorisée par la signalisation ER. Cela ne semble pas être le cas ici exclusivement puisque sur le modèle triple négatif l’effet de l’ordre d’association est conservé. Il aurait été également justifié d’inclure dans le schéma thérapeutique , pour les modèles ER+ bien entendu, l’ajout d’un antiestrogène ou d’un inhibiteur d’aromatase.
Il aurait été bon également d’illustrer les résultats par une étude moléculaire et cellulaire immunologique associée. Enfin un signal sur la spécificité des effets avec un regard parallèle sur l’évolution du poids des animaux aurait été le bienvenu.
Il faut donc attribuer à cette étude ses points forts spécifiques et son originalité c’est-à-dire la preuve expérimentale préclinique d’un effet de l’ordre d’association entre RT et palbo sur le cancer du sein ER+. A ce titre un essai thérapeutique contrôlé est lancé dans le cancer du sein ER+ oligometastatique (CIMER, NCT 04563507) testant l’impact de l’association de la RT avec les CDK4/6 i, c’est le bon continuum entre recherche préclinique et recherche clinique dans la trace.