Article commenté par Gérard Milano
Shriwas O. et al. Brit J Cancer 2021 ,124:2004-2016
Contexte : la prise en charge des cancers de VADS passe par l’application de plus en plus fréquente d’une association RT CT où le cisplatine joue un rôle central. Malgré de nombreux travaux entrepris on ne dispose toujours pas à ce jour d’un indicateur fiable et généralisé de sensibilité tumorale aux derivés de platine , en particulier pour les ca des VADS. C’est sur ce constat que sont partis les auteurs de cette étude dont le déroulé obéit à une parfaite rigueur méthodologique à savoir recherche cellulaire pour déclenchement d’une résistance in vitro au cisplatine suivi de l’identification de facteurs moléculaires potentiellement liés à ce phénomène ( RNA seq) et complété par la détermination du paramètre identifié dans des prélèvements tumoraux de patients traités dans l’intention de valider l’intérêt clinique.
Methodes : cette étude translationnelle est très riche et très représentative de par le déploiement et l’enchaînement logique des méthodes appliquées. Dans un premier temps les auteurs ont utilisé des lignées cellulaires tumorales d’origine cancers des VADS ( lignées issues de ca de la langue H357, SCC-9 et SCC-4).Ces lignées ont été classiquement exposées à des doses croissantes de cisplatine en vue de l’obtention de clones résistants. Les culots cellulaires ont ensuite été explorés par des techniques permettant d’identifier l’émergence de protéines liées au développement de cette résistance au cisplatine ( proteomique, RNA seq ,analyse de transcriptome) .Une fois les protéines identifiées, des contrôles par manipulation génétique ont été appliqués ( KO par méthode de ciblage inactivation génique CRISPR ).Des anticorps ont ensuite été développés contre la protéine d’intérêt permettant l’exploration par technique d’immunohistochimie des prélèvements tumoraux issus des patients traités.
Résultats : Dans une première étape les auteurs ont générés des clones résistants à partir des 3 lignées de ca ORL ,le matériel cellulaire obtenu a fait ensuite l’objet d’analyse moléculaire et en particulier en utilisant le RNA seq et la proteomique d’où est ressorti comme élément essentiel la surexpression, liée à l’apparition de résistance au cisplatine , de la protéine RBP1 produit du gène RRBP1 , protéine de contact et de signalisation entre les ribosomes te le réticulum endoplasmique. En parallèle une expression significativement augmentée de cette proteine a été observée entre les prélèvements tumoraux initiaux et ceux obtenus chez les patients ne présentant pas de réponse objective sous RTCT neoadjuvante .Ensuite les auteurs ont pratiqué des expériences de KO du gène RRBP1 qui ont permis de confirmer le rôle de ce gène dans la survenue de résistance au cisplatine. Des expériences d’analyse de transcriptome ont permis de mettre en évidence que RBP1 régulait la synthèse de YAP1 qui est une protéine dotée de diverses propriétés moléculaires toutes convergentes vers la protection du génome.
D’où le schéma proposé suivant proposé par les auteurs : l’exposition prolongée au cisplatine est capable de déréguler l’expression de RBP1 qui va dans un deuxième temps amplifier la production de YAP1 et protéger la cellule des effets cytotoxiques du cisplatine au niveau du génome. Des données de la littérature ont conduit les auteurs sur la piste d’un antibiotique de la famille des oxazolidinone, le Radezolid comme inhibiteur potentiel de RBP1 qui agit par inhibition de contact. Sous l’effet de ce composé l’expression de RRBP1 est significativement diminuée de manière dose dépendante, et enfin et surtout l’application du Radezolid est capable de restaurer la sensibilité au cisplatine in vitro.
Commentaires : Cette étude très bien conduite au plan méthodologique a permis de mettre en évidence un nouveau marqueur avec la surexpression de la proteine RBP1 et son rôle dans le déclenchement de la résistance au cisplatine. Les auteurs n’évoquent cependant pas le mécanisme moléculaire len rapport à l’application du platine et qui peut conduire à ce phénomène, ni même ils tentent de comparer les effets du cisplatine avec ceux du carboplatine. On peut aussi s’interroger ici dans le cadre des cancers des VADS sur le rôle de la RT dans le déclenchement de cette surexpression de RBP1 et plus encore l’effet d’une RT-CT in vitro. La précaution d’avoir assorti l’étude d’une exploration de matériel tumoral issu des patients sous traitement RT CT est une louable initiative comme celle d’avoir recherché un inhibiteur potentiel dont il conviendra de peser les effets spécifiques. Au total on dispose d’un marqueur potentiellement intéressant et ce d’autant qu’il est de détermination aisée (IHC) qui mériterait d’être exploré sur des séries plus importantes de patients ORL et aussi de voir s’élargir son exploration à d’autres localisations bénéficiant de l’efficacité relative du cisplatine.