Somatic mutation rates scale with lifespan across mammals
Cagan A et al., Nature , vol 604, 21 avril 2022,517-24
Ne pourra-t-on jamais vieillir tranquille ?
Contexte de l’étude : C’est un fait relativement bien connu de tous que des impacts de mutations opportunistes, dites somatiques par opposition aux mutations germinales (acquises dans notre génome, transmissibles) peuvent être à l’origine du développement de cancers et de contribuer significativement au vieillissement.
Des connaissances récentes issues des analyses génétiques modernes confortent ces hypothèses mais une démonstration plus convaincante serait d’examiner l’universalité chez les mammifères de ce lien entre durée de vie et accumulation de mutations.
C’est dans cet état d’esprit que des chercheurs européens, en majorité issus de la prestigieuse Université de Cambridge, ont produit cet article basé sur une cumul important d’analyses génétiques et calculs associés . Sans surprise, cet article a fait grand bruit à telle enseigne que les journaux de grande diffusion en ont fait des commentaires plus ou moins fidèles et détaillés.
Methodes : Dans un souci louable (entre autres) d’homogénéité de la source biologique, les auteurs ont exploré des échantillons d’épithélium intestinal (et plus précisément des cellules issues de la zone cryptique ). Au total le matériel disponible représentait 208 échantillons pour 56 cas sur 16 types de mammifères différents (souris, rat, lapin, chien, chat, cheval, lion, et homme pour finir). Une analyse de séquençage complet du génome a été appliquée à tous les échantillons. Les auteurs ont procédé par microdissection laser sur coupes histologiques afin d’obtenir , de manière homogène,le matériel biologique à explorer.
Principaux résultats :
L’analyse de la présence de mutations génomiques dans les séquences des génomes respectifs, loin de révéler de l’hétérogénéité, a fait ressortir au contraire des traits génétiques communs. C’est-à-dire des signatures (assemblages distincts d’anomalies génétiques caractéristiques) qui participent souvent aux phénomènes de mutagenèse. Ainsi, sur l’ensemble des échantillons examinés et couvrant un large sur le spectre de types des mammifères différents, la signature qui prédominait ,parmi seulement 3 principales observées, était celle associée aux atteintes de type oxydatif.
La deuxième observation majeure est un accroissement quantitatif des mutations au fil de l’allongement de la vie des mammifères, un phénomène constant entre les mammifères, caractérisé par un facteur d’accroissement moyen de 3 alors que les durées de vie moyennes variaient, elles, d’un facteur 30 entre les types de mammifères .
Il en découle au final un lien inverse et constant pour les types de mammifères étudiés ici , associant un nombre élevé de mutations cumulées par an et une relative plus courte durée de vie des types de mammifères et cela indépendamment d’autres facteurs analysés pouvant avoir une influence sur de la durée de vie ( type d’alimentation, entre autres). Ainsi à un extrême on trouve la souris qui vit en moyenne 1 à 2 ans et qui montrait un cumul de 800 mutations en moyenne par an et à l’autre extrême l’homme avec 20-30 mutations en moyenne par an .
Commentaires :
Que celles et ceux qui considèrent qu’il faut se protéger des agressions de type oxydatif ont sans doute raison. Ne rentrons pas pour autant dans le débat sans fin durée de vie / qualité de vie (sans soleil, alimentation strictement contrôlée, apport constant de suppléments antioxydants).Les radicaux libres sont en majorité à l’origine des mutations somatiques et notre alimentation, c’est certain , peut nous y exposer ou au contraire nous en protéger. Pour bref rappel , le régime crétois comporte de nombreux antioxydants comme les fruits et légumes et une consommation régulière mais modérée en vin rouge . A l’opposé, la consommation de viande rouge génère des facteurs pro oxydants. On trouve aussi dans le thé vert, la cacao, les fruits secs ( amandes, noisettes, noix) ,le gingembre, les fraises, les pommes des éléments antioxydants reconnus. Un article tout récent de la revue Cell fait un point fondamental sur les liens entre alimentation, longévité et maladie ( Longo V D et al,Cell 185,28 avril 2022,1455-70).
Des conclusions plus universelles découlent avant tout de cette étude, et en particulier des mécanismes à l’origine du vieillissement qui sont certes multiples et complémentaires (génétique germinale, immunité, en autres) mais avec ici une démonstration convaincante de la part importante apportée par l’impact des mutations somatiques. Le fait que le cumul de mutations somatiques varie entre les types de mammifères se rapporte aussi à un contexte d’évolution avec un rôle probablement très fort des mécanismes de réparation de l’ADN , souvent évoqué, qui viendrait moduler l’intensité de l’effet des mutations sur le génome et l’impact sur la durée de vie.
Le cumul de mutations raccourcit la durée de vie chez les mammifères , un facteur de risque dont il convient de savoir se protéger