Article commenté par Gérard Milano
Tel le phénix, l’intérêt sur la protéine p53 ne meurt pas et nous revient toujours avec de belles surprises !
Effects of USP7 on radiation sensitivity through p53 pathway in laryngeal squamous cell carcinoma
Niu H et al; Translational Oncology,22(2022)101466
Contexte : Un petit détour mémo à propos de la proteine p53 qui avait fait une entrée fracassante au congrès annuel US de l’AACR , molto anni fa…,et où la quasi-totalité des posters et exposés oraux couvraient le sujet sur tous ses aspects, de l’époque .On n’a plus jamais connu cela, un tel embrasement sur un nouveau sujet, si ce n’est plus récemment avec l’arrivée des techniques DNA-array qui avait fait dire à Jacques Pouyssegur, croisé dans une allée du Convention Center , que l’ACP c’était fini, ouste au placard place pour le cancer au diagnostic d’expression génique multifactoriel . Il avait bien entendu à la fois tord et raison.
Revenons à p53 , géniale molécule biologique qui partage avec HIF1 les mêmes caractéristiques de régulation. Inutile de rappeler leur fonctions vitales respectives pour la cellule qui sont de par leur mécanisme de facteurs de transcription, la protection du génome pour la première et la réaction contre l’hypoxie pour la seconde. Elles sont uniques les deux car leur indispensable présence a poussé l’évolution biologique à faire en sorte qu’elles soient produites en continu ( et non pas induites par le cheminement classique mobilisation facteurs de transcription, transcription, traduction , ce qui est au final relativement chronophage) , quel que soit le contexte ( choix de la perte énergétique vs protection vitale devant l’inattendu).Elles existent sous la forme d’un complexe moléculaire , avec MDM2 pour la première et VHL pour la seconde. Alors sous forme de complexe , elles sont ubiquitinées et dégradées en continu par le proteasome. En cas d’agression de type génotoxique ou hypoxique , le tandem est dissocié biochimiquement , p53 ou HIF1 immédiatement libérées pour aller au plus vite exercer leurs fonctions de protection de la cellule. Cet éclairage et cette vision globale encore grâce à des discussions avec Jacques Pouyssegur mais au CAL, plus récemment…
Bon, cet article maintenant. Les auteurs se sont intéressés aux mécanismes de contrôle de l’ubiquination ( on a compris l’importance de ce mécanisme dans la régulation de p53)et tout particulièrement à la proteine USP7 ( merci à RJ Bensadoun qui a fait circuler cet article).USP7 =Ubiquitin carboxyl-terminal hydrolase 7. Donc sa fonction de desubiquitination empêche la dégradation de p53 et permet la mise en place de son action dans le contrôle de la prolifération cellulaire et dans l’induction de l’apoptose .Le cadre de leur étude est le cancer du larynx ( équipe de Shangai) et son influence possible sur la sensibilité à la RT.
Méthodologie de l’etude : C’est une étude mixte avec des données biologico cliniques et des données expérimentales sur lignées de ca ORL in vitro et in vivo.
Principaux résultats :
Les auteurs ont isolé rétrospectivement 10 patients avec ca du larynx dont 5 avaient bien répondu à la RT et 5 à l’opposé étaient relativement radio résistants. Les 2 groupes de patients étaient comparables au plan des critères pathologico-cliniques( curieusement et difficilement acceptable, les auteurs ne nous disent rien du statut p53 des tumeurs de ces patients) .Sur la pièce tumorale chirurgicale ils ont procédé à des analyses d’expression géniques multiples et noté une différence significative d’expression génique entre les 2 groupes.
Parmi les protéines différemment exprimées il y avait USP7 davantage exprimée dans le groupe resistant RT que dans le groupe sensible RT.
Cette observation a orienté les auteurs vers des analyses expérimentales. La première a été de confirmer sur une lignée cellulaire de ca du larynx mutée p53 que l’application de la RT résultait de manière temps-dépendante en une augmentation de la production de USP7 ( maximum entre 2 et 6h post RT).
Par des expériences de knock- down les auteurs ont mis en évidence que la perte de USP7 augmentait la radiosensibilité ( in vitro et in vivo) des cellules tumorales mutées p53 alors que la radiosensibilité des cellules p53 sauvage était , dans cette situation expérimentale, diminuée.
En comparant des lignées invalidées ou pas pour le gène USP7 les auteurs ont pu montrer un impact direct de la présence de USP7 sur le maintien de la proteine p53 ( diminuée en absence de USP7).
Que faut-il en penser ?
Les auteurs ont avant tout ici pu mettre en évidence que la protéine USP7 avait une influence sur la radiosensibilité des cellules de ca du larynx et ce par l’intermédiaire de p53. Quand p53 est non mutée la RT exerce ses pleins effets et USP7 qui protège p53 de sa dégradation est nécessaire, sa perte résulte en une diminution d’efficacité de la RT .Pour des cellules mutées p53 , la modulation de l’efficacité de la RT est possible avec une augmentation potentielle de cette dernière suite à une diminution de P53(mutée) sous l’effet de la perte de USP7. Dès lors se dessine une utilisation clinique envisageable des inhibiteurs de USP7 ( actuellement en développement ) en sachant que cette approche devrait être logiquement réservée aux tumeurs mutées p53.
Quelles sont les limites ? D’abord la nature des mutations p53 qui ne sont pas toutes équivalentes au plan de l’impact sur la fonctionnalité de la protéine , il faudra donc sortir , dans ce cas de figure, de la simple opposition p53 mutée ou pas . Ensuite il faut relativiser le rôle direct de USP7 qui de par sa fonction de desubiquitination touche bien d’autres protéines en dehors de la cible p53 , ce qui peut limiter l’interprétation des effets biologiques et thérapeutiques de l’inhibition de USP7 dans le cadre de la pratique de la RT. Par exemple USP7 joue un rôle dans le maintien de la fonction des cellules Treg et dans la stabilisation de FOXP3, ce qui projeté dans un contexte d’immunothérapie associée à la RT , le tout en présence d’inhibiteurs de USP7 devrait élargir le regard sur la modulation de l’efficacité thérapeutique et du résultat final observé.