Un regard plus affuté sur le ciblage de RAS muté
The G protein signaling regulator RGS3 enhances GTPase activity of KRAS
Li C et al. Science 374,197-201 (2021)
Filling in the GAPs in understanding RAS
Cox A and Channing J ,Science 374,152-153 (2021)
De quoi s’agit-il ici ?
Il ne vous a pas échappé que des inhibiteurs de RAS muté sont enfin accessibles en thérapeutique, il s’agit du sotorasib et de l’adagrasib (un accord des autorités de santé vient de tomber en faveur du sotorasib en première ligne des NSCLC mutés RAS G12C). Pourtant l’activité antitumorale objective n’est que de 30% et il est légitime de s’interroger sur cette relative faiblesse d’activité vis-à-vis d’un composé aussi spécifique et affuté. Question que se sont aussi posée les auteurs de cet article de fin 2021 paru dans Science avec son commentaire associé .
Un petit retour en arrière sur RAS, qui est un véritable commutateur biologique. RAS est une protéine G à activité GTPase, elle est située en face interne de la membrane cellulaire et initie la signalisation MAP Kinase au regard d’un récepteur à Tyr Kinase. RAS non stimulé ( récepteur non activé) est sous forme « off » et fixe le GDP . L’activation du récepteur attire en sa partie intracellulaire des protéines d’adaptation dont SOS1 qui va interagir moléculairement avec RAS et modifier sa structure de telle sorte que RAS « on » fixe le GTP. C’est en présence du GTP que RAS peut ensuite par contact phosphoryler son premier partenaire de la voie MAP kinase qui est la kinase RAF (RAS n’est pas une kinase !).C’est sous l’effet d’une GTPase que RAS revient en position inactive RAS « off ». Les mutations oncogéniques RAS le sont car elles immobilisent RAS en position « on « , sous cette forme RAS est insensible aux GTPase et phosphoryle en continu RAF activant en aval la voie des MAP kinase d’une manière autonome.
Le Hic est que les inhibiteurs de RAS muté se fixent sur une forme RAS « off » , c’est une énigme moléculaire que les auteurs de cet article de Science ont tenté de régler, en partie .
Comment les auteurs ont-ils procédé et qu’ont-ils mis en évidence ?
1- Les auteurs ont tout d’abord mis en évidence que des extraits de cellules tumorales mutées RAS G12C étaient capables de conférer une activité de type GTPase sur la proteine RAS G12C.
2-Les auteurs ont ensuite par des étapes de purification successives pu mettre en évidence que le partenaire de type GTPase associé à RAS muté était une protéine particulière de la famille des régulateurs de signalisation , il s’agit de RGS3.Donc RGS3 interagit avec RAS muté position « on » pour le faire passer en position « off », il existe ainsi un mécanisme moléculaire capable pour RAS muté, tout comme pour RAS sauvage, d’opérer une transition on/off.
3-Les auteurs ont ensuite pu montrer à travers des expériences d’invalidation par siRNA que des cellules tumorales RAS G12C dépourvues de RGS3 étaient dotées d’une croissance particulièrement forte.
4-Enfin et surtout, sur la base de xénogreffes de tumeurs de patients NSCLC RAS G12C les auteurs ont observé que l’efficacité antitumorale d’un inhibiteur de RAS G12C était d’autant plus forte que l’expression de RGS3 était élevée.
Quel est l’apport de ce travail ?
Cet article de Science nous éclaire sur le paradoxe actuel des inhibiteurs de RAS G12C, ils sont actifs sur la forme « off » car il existe bel et bien une protéine régulatrice RGS3 capable de casser le dogme de RAS muté toujours « on » et le faire passer sous forme « off » et c’est sous cette forme que les inhibiteurs actuels bloquent le fonctionnement de RAS muté. L’activité de ces inhibiteurs est donc en grande partie dépendante de la capacité à générer du RAS muté « off » et donc de l’expression tumorale de RGS3 .
La mesure de l’expression tumorale en RGS3 peut être considérée comme un marqueur potentiel d’efficacité des inhibiteurs de RAS muté « off ».
La perte d’expression de RGS3 en cours de traitement peut être envisagée comme un facteur potentiel de résistance au traitement par inhibiteurs de RAS muté G12C ( en forme « off »)
Les perspectives thérapeutiques sont nombreuses avec la possibilité de développer des analogues de RGS3 qui viendraient donc renforcer l’activité des inhibiteurs de RAS mut off.
Les protéines SOS1 qui reconvertissent RAS muté position off en une position on sont aussi des facteurs potentiels de résistance à l’activité des RAS inhibiteurs et constituent des cibles justifiées à explorer en association aux RAS inhibiteurs ( le composé BI 1701963 inhibiteur de SOS1).
Au final le ciblage de RAS muté est une nouvelle page, complexe tel qu’on le voit ici , et qui s’ouvre dans l’univers des thérapies ciblées, cette page est certainement de portée majeure car on a en perspective des tumeurs riches en RAS muté et dont on recherche activement des traitements efficaces , tel que pour le cancer du pancréas.