Un article récent de Cell qui s’attache à décrire les mécanismes cellulaires immunitaires sous-jacents à la réactivité vis-à-vis d’une immunothérapie néo adjuvante dans les cancers ORL. Bonne lecture à toutes et à tous !
Une fine dissection moléculaire et cellulaire de la réactivité tumorale aux inhibiteurs du point de contrôle immunitaire pour des cancers ORL
Tissue –resident memory and circulating T cells are early responders to pre-surgical cancer immunotherapy
Luoma A M et al, 2022 Cell 185,2918-2935
Bases de l’etude : une immunothérapie par inhibiteurs du check-point( ICP) comporte a priori plusieurs avantages lorsqu’elle est appliquée en situation neoadjuvante. Parmi ces derniers on compte l’absence d’un traitement anti tumoral antérieur tel que la chimiothérapie ou la radiothérapie pouvant interférer avec l’efficacité de cette immunothérapie par ICP .Du point de vue anatomique le maintien de l’intégrité de l’irrigation lymphatique est aussi bénéficiaire quand on considère l’apport immunitaire local potentiellement induit par le traitement par ICP .Cette approche immunothérapeutique en situation neoadjuvante a récemment fait ses preuves dans diverses localisations tumorales incluant notamment le melanome et le cancer du poumon. Cependant on manque d’éléments objectifs cellulaires et moléculaires illustrant la dynamique de la stimulation immunitaire anti tumorale en situation neoadjuvante permettant de mieux comprendre les mécanismes de réponse et d’échappement. Les auteurs , dans le cadre d’un traitement de cancers ORL par ICP en situation neoadjuvante se sont attachés à décrire le profil des T lymphocytes intra tumoraux et circulants en termes de phénotypes, d’états de différentiation en utilisant un outil de séquençage d’ARN appliqué lors d’étapes successives du traitement permettant d’éclairer une dynamique d’activation de cette catégorie essentielle de cellules immunitaires pour la réponse aux ICP.
Methodes et principaux résultats : Le matériel tumoral de l’étude a été analysé sur une base rétrospective à partir de recueils biologiques effectués dans le cadre d’un essai de phase II concernant l’application d’une immunothérapie de type neoadjuvant comparant une monothérapie par anti PD-1(14 patients) à une association anti PD-1 anti-CTLA4 (15 patients )pour des cancers ORL (âge moyen 62 ans).Les auteurs ( Dana Farber et Harvard Medical School , Boston USA) ont exploré 2 types d’échantillons. Des échantillons tumoraux d’une part ,tissu frais et tumeurs fixées avant traitement et au moment de la résection tumorale ( 1 semaine après les 3 semaines de traitement) et des échantillons sanguins (en cours de traitement semaine 1 et 3) et en post traitement ,à distance, en semaine 12. Les techniques appliquées ont été essentiellement du séquençage d’ARN soit sur cellules T intratumorales phenotypées isolées ou des cellules circulantes immunitaires soit du séquençage d’ADN sur les récepteurs des cellules T (TCR) sur cellules intratumorales ou circulantes.
Les auteurs ont réussi à mettre en évidence une catégorie de T lymphocytes intra tumoraux mémoire résidents qui étaient impactées quantitativement et qualitativement ( expression de gènes associés à la prolifération ) par l’application du traitement et en particulier l’association des 2 immunothérapies .L’analyse des clonotypes TCR des patients répondeurs mettait en évidence une spécificité de ces récepteurs vis à vis de l’antigène tumoral MAGE A1. De plus les auteurs ont complété leurs observations en notant que la présence de T lymphocytes infiltrés CD4+ était amplifiée par l’application du traitement et que ces T lymphocytes exprimaient des hauts niveaux de la cytokine CXCL 13 , cytokine impliquée dans le recrutement de cellules immunitaires provenant du micro environnement tumoral.
Non seulement l’immunité intratumorale mais aussi l’immunité systémique était impactée par l’application de l’immunotherapie. Ainsi , les auteurs ont pu mettre en évidence l’émergence , sous traitement, de clonotypes TCR au niveau intratumoral mais aussi en parallèle au niveau circulant. Une analyse séquentielle dynamique mettait en évidence un pic plasmatique d’un clonotype TCR répondeur suivi de sa quasi disparition qui était concomitante à son apparition au niveau intratumoral. Cette observation traduisant une interconnexion entre une activation systémique du système immunitaire par le traitement répercutée ultérieurement au niveau intratumoral .Les auteurs ont donc porté une attention particulière à la présence de l’immunité systémique et son impact sur l’efficacité thérapeutique . Ainsi, ils ont pu caractériser une catégorie de cellules T CD8+ HLA+DR+ au sein des échantillons sanguins pré thérapeutiques dont la fréquence était associée au degré de réponse pathologique tumorale.
Commentaires : Très rapidement dans la recherche de facteurs conditionnant l’efficacité de l’immunothérapie par ICP s’est fait jour l’évidence que la présence de lymphocytes T infiltrés dans les tumeurs constituait un élément déterminant qui permettait de forger la notion de tumeur froide, faiblement infiltrée en cellules immunitaires, a priori non répondeuse à l’immunothérapie et pour laquelle une stratégie de réactivation de repopulation était justifiée et applicable sous différentes formes ( dont les associations thérapeutiques).La présente étude apporte une éclairage complémentaire et plus précis dans ce domaine en permettant d’identifier une catégorie précise de T lymphocytes CD4+ caractérisée par le potentiel d’exprimer un haut niveau de cytokine CXCL 13 conditionnant la réactivité tumorale à l’application du traitement. Cette observation souligne l’importance de la communication entre la tumeur et son microenvironnement dans l’établissement de la réponse immune sous ICP.
Au-delà du micro environnement tumoral les auteurs ont exploré le système circulatoire et ont pu identifier une catégorie de lymphocytes CD8+ au phénotype HLA+DR+ présents avant l’application du traitement et associés à l’efficacité thérapeutique des ICP appliqués en situation neoadjuvante pour une série de patients ORL . Cette observation doit être confirmée mais elle viendrait compléter idéalement une liste de facteurs prédictifs de la réponse aux ICP ciblés sur la tumeur même tels que la charge tumorale mutationnelle, l’instabilité microsatellitaire et autre expression PD-L1 corrigée. Une des questions posées est l’applicabilité future en routine d’une telle exploration spécifique d’une sous-catégorie de T lymphocytes . Avant cela il serait souhaitable de voir les résultats ici rapportés confirmés sur une plus grande série de patients mais d’ores et déjà cette publication offre une double avancée à la fois dans la meilleure compréhension des mécanismes cellulaires de réponse aux ICP et dans la connaissance de nouveaux marqueurs prédictifs accessibles au niveau sanguin.